Signé X

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Une brève (forcément) échauffourée twittesque m’a opposé ce matin au collectif anonyme du dictionnaire du diable à propos de la question de l’anonymat. 140 caractères, c’est parfois un peu court alors je développe ici.

Je n’aime pas les collectifs anonymes ou les anonymes du milieu professionnel qui est le mien pour au moins deux raisons :

  • utiliser un collectif anonyme pour porter la critique au coeur des bibliothèques, c’est à mes yeux continuer la longue tradition de secret, de carré VIP, de communication à sens unique, dont il a déjà été question dans ce billet ou dans cet autre. Je trouve assez illogique, en fait, d’utiliser anonymement un outil public tel qu’un blog pour contester des pratiques comme “la censure” ou certaines instances : en faisant cela, on se place de fait dans les manières de faire qu’on dénonce ;
  • arguer d’un soi-disant risque professionnel à avancer à visage découvert me semble un tantinet exagéré (d’autant que je pense, en l’occurrence, que les rédacteurs dudit dictionnaire sont loin d’être des “soutiers des bibliothèques”). Le collègue qui tient Ma(g) Bu, par exemple, n’y va pas de main morte et, que je sache, il n’a pas été muté en Sibérie. D’ailleurs, d’une manière générale, utiliser cet argument du “risque”, c’est aussi me semble-t-il faire insulte à tous ceux qui, de par le monde, dans des conditions réellement dangereuses, signent et assument leurs billets de blogs et d’une manière générale, leurs prises de position (ouvrez les journaux, ou cherchez sur Google à “dissident”, vous trouverez de qui je parle) ;

Je pense par ailleurs, toujours dans cette ligne, que la contestation professionnelle ne peut fonctionner qu’à visage découvert, parce que c’est le seul moyen de donner corps à la remise en cause d’une institution. Sans cela, on reste dans le vague, le flou, le facilement rejetable par ladite institution.

A contrario, quand les remises en cause prennent visage et viennent de l’intérieur de l’institution, cette dernière ne peut qu’en tenir compte ou, en tous les cas, a beaucoup plus de mal à continuer à faire comme si il ne se passait rien.

Bref. Tombez vos masques, votre voix portera plus loin.

 

24 thoughts on “Signé X

    1. Certes. Tu n’as pas l’historique de tout cela, c’est sans doute pour cela que la question de l’anonymat te semble secondaire. Pas de problème.

  1. Je savourerai mon anonymité de cet objet fait de gros bits pour vous transmettre mon indignation doucereuse : internet s’est basé jusqu’à aujourd’hui sur ce principe, l’anonymat et c’est tant mieux même dans un contexte professionnel. Peut-être que le discours perd de son impact mais je n’ai pas tant plus que ça l’impression que le diable ait un discours réellement réactionnaire face aux tendances actuelles ni qu’il ait un discours en tant que tel sur notre profession. Il cherche juste à faire marrer : moi ça me fait rire et pourtant j’ai l’impression d’être un bibliogeek convaincu (même si je tiens mon blog de manière irrégulière, tort me soit porté…)
    Vous vous méprenez, ce ne sont pas vos ennemis. Liberté leur soit donnée de faire qu’ils veulent.Pas de polémique nécessaire.

    Les traiter entre les lignes de lâches ne servira pas autant. Surtout en appelant les grandes causes comme élément de comparaison. Ils n’ont pas probablement pas grand chose à protéger mais j’ai l’impression que vous méconnaissez la réalité des contractuels des bibliothèques, notamment la grande famille des bibliothèques territoriales dont les communes n’ont que main-d’oeuvre à merci renouvelable et souriante prête à manger du bouc pour obtenir leur GRAND concours de la territoriale, et en plus c’est moins cher (je divague)

    Un collègue anonyme mais néanmoins ami.

    1. Dommage que vous décidiez de rester vous aussi anonyme. Je réponds tout de même bien que je commence à me dire que je vais cesser de passer des commentaires anonymes. En attendant cette possible décision :

      1. On ne cherche jamais juste à faire marrer quand on a un discours qui se veut caustique. C’est le cas du dico du diable. D’ailleurs, si la seule volonté de ses rédacteurs est de faire juste marrer, je ne vois pas bien à quoi sert le dico. Enfin, les humoristes les plus drôles, les plus caustiques, ceux qui vont le plus loin, sont toujours des humoristes à visage découvert : c’est justement ce qui fait leur grandeur ;

      2. Je pense que la plupart des rédacteurs de ce dico sont très loin d’être contractuels, ce qui me pose plusieurs problèmes : ils arguent d’une prétendue insécurité pour conserver l’anonymat et c’est faire insulte à ceux de nos collègues qui sont effectivement réellement dans cette insécurité ; ils (ces rédacteurs) sont à la fois dans un système (et donc en profitent) tout en le reniant lâchement (voilà, ce n’est pas entre les lignes) et c’est un peu étrange, comme démarche ; enfin, je gage qu’un certain nombre d’entre eux ne manqueront pas de participer rapidement (si ce n’est pas déjà le cas), et si l’occasion s’en présente, à certaines de nos pratiques professionnelles qu’ils moquent à juste titre – et là, j’avoue que ça dépasse mon entendement puisque c’est juste totalement incohérent ;

      3. Si les rédacteurs du dico trouvent à redire à nos pratiques (et sur ce point, je les rejoins, il y a beaucoup à dire et encore plus à faire changer), qu’ils signent leur dictionnaire : c’est la seule manière de faire qu’un jour, ces pratiques disparaissent (oui, je me répète) ;

      4. Cette attitude, en fait, m’agace prodigieusement en ce qu’elle est souvent typique de notre milieu professionnel : manque de courage, positions peu ou pas assumées individuellement, remises en cause murmurées dans les barbes, le tout sous couvert des grandes idées comme la liberté d’expression. C’est juste petit, tout petit.

      Bien à vous, anonyme ami à qui donc je ne peux serrer la main (vous voyez où le problème de l’anonymat ? vous ratez un apéro).

  2. Bonjour Daniel,
    un commentaire bref : suis d’accord avec ton billet entièrement…
    Justement pour faire bouger la profession : une définition qui semble marrante et anodine comme Musique = deezer mériterait un vrai développement… professionnel…
    Car finalement, on “colloquise”, on “bloguise” sur ce sujet mais globalement on n’avance pas sur des propositions alternatives (sauf vers le Haut-Rhin…)
    La critique et l’ironie sont indispensables, ensuite il faut proposer des alternatives… au risque de se tromper…
    Amitiés
    Franck

    1. Parler, la profession est très forte pour ça. Quand il faut bosser vraiment et faire des choses concrètes, il y a tout de suite beaucoup moins de monde, c’est ‘amusant’. Bonne journée à toi qui comme 80 % de la population mondiale, est à – de 80 kms de la mer 😉

  3. Bonjour
    je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris. Et comme tu me cites, je confirme que je n’ai eu à subir quelques foudres que ce soit suite à mes écrits.
    j’ai été tenté par l’anonymat au début de mon blog et puis j’en suis arrivé à la conclusion que celui-ci me mettrait dans une situation ambigüe vis à vis de mes lecteurs. Le fait de connaître mon identité, mon lieu de travail, mon statut, permet -il me semble- de mieux comprendre mes articles, et donne la possibilité aux personnes qu’il m’arrive de critiquer la possibilité de me répondre en toute connaissance de cause.
    Quant aux “risques” encourus par les auteurs du Dico, je rigole. Et dans le cas où ils seraient réellement contractuels ou sous la coupe réglée d’une hiérarchie malveillante, qu’ils le disent et leur anonymat sera dans ce cas -peut-être- mieux accepté.
    Cordialement
    Alain

  4. JE suis entièrement d’accord avec l’auteur de ce billet, comment défendre l’anonymat quand d’un autre côté on lutte au quotidien pour défendre des valeurs comme l’implication, l’engagement… Toute argumentation qui n’est pas signée tombe d’elle-même…
    Christophe BERNARD, un formateur indigné

  5. “Votre voix portera plus loin”, je n’en suis pas certain.

    De plus, il y a certaines critiques sur l’ABF et le Maine-et-Loire qui pourraient porter préjudice à tous les membres du collectif.
    Si certains ont de l’humour, d’autres n’ont pas le même.

    Sans compter ceci : ce dictionnaire est (peut-être ?) un jeu d’esprit, plus qu’une revendication.
    Un amusement plus qu’une envie de faire bouger les choses.

    Pour finir, rien ne dit que ces collègues du collectif n’ont pas essayé d’autres moyens, avant d’en arriver à l’anonymat.

    Et pour tout te dire, on m’a bien fait comprendre, lors de ma VAE, que je n’étais qu’un “petit” bibliothécaire (qui l’ouvrait un peu trop ?).
    Comme tu t’en doutes, je n’ai même pas obtenu la validation partielle que j’attendais, ni même – ce qui m’intéressait le plus – les éléments que je ne possédais pas.
    Seul un grand silence de trois ans m’a répondu.
    Comme quoi, il n’y a pas de petites vexations.

    Sous couvert d’anonymat Internet, rien de tout cela ne me serait arrivé.

    Donc oui, l’anonymat a son utilité.
    Et je ne vois pas bien en quoi connaître les noms du collectif donnerait plus de poids à leurs écrits. A moins que tu ne veuilles les recruter ou collaborer avec eux ? 😉

    Bien cordialement
    B. Majour

    1. ” Donc oui, l’anonymat a son utilité. ” : dans le domaine, pro, je pense vraiment que non et que c’est contre-productif – mais je ne vais pas reprendre la démonstration 😉

      1. Si ce n’est pas un jeu, ils sortiront de leur anonymat.

        Mais je peux comprendre leurs réticences.
        B. Majour

  6. Il est évident que l’argument du risque professionnel n’a pas de valeur. Si c’est effectivement le seul argument des auteurs du Dico, c’est dommage.

    A mes yeux, l’intérêt de l’anonymat est qu’il met le propos en avant et pas son auteur. Quand on lit des pages et des pages de bloggeurs (pas de la profession) s’exprimant sur l’avenir du livre électronique ou de la société numérique en général et dont le seul but semble être de mettre “Je” à toutes les lignes et “achetez mon livre” à toutes les pages, c’est irritant. Je préfèrerai que l’auteur ne puisse s’identifier, il y aurait moins de scories et je pourrai mon concentrer sur son propos.

    Quand je pense à ce salaud de Kierkegaard qui écrivait sous pseudonyme, ou à ce gros bâtard d’Emile Ajar qui, bien entendu, ne visait qu’un second Goncourt… C’est sûr, Sartre assumait héroïquement ses propos critiques. Quel rebelle, rendez-vous compte, il est allé vendre des journaux sur les Champs Elysées, quel engagement !
    Au final, je crois que Kierkegaard a plus profondément marqué la pensée humaine et Ajar la littérature que Sartre aucun de ces deux domaines.

      1. Ma foi, c’est à eux qu’il faut le demander.

        (A me relire, je suis chagriné : comparaison n’est pas raison, après tout)

  7. L’objectif affiché du dico est l’humour et l’auto-ironie plus que la contestation professionnelle. Un divertissement plus qu’un pamphlet.
    Du coup, auteurs anonymes ou pas, je ne vois pas le problème en ce qui les concerne.
    Ce collectif d’humoristes peut bien prendre un nom de scène ou garder l’anonymat, ça me fera toujours autant rigoler (sans me motiver plus que ça pour la contestation professionnelle)

  8. parce que bien sûr il n’y a rien d’autre à dire à propos des bibliothèques en ce moment. Sans parler de “contestation professionnelle” -les blogs pro ne servent pas qu’à cela- il me semble qu’il existe des sujets plus urgents que chercher des définitions “humoristiques” sur des termes biblio, qui s’apparentent d’ailleurs parfois plus à des règlements de compte qu’à autre chose. Mais on sait qu’il est toujours plus facile de se moquer que proposer..
    Alain

    1. Des règlements de compte ? Eh bien moi qui suis en dehors de toutes ces considérations biblioblog, je ne sais pas qui attaque qui, ni qui réponds à qui, et je m’en fous.

      THE INTERNET. SERIOUS BUSINESS.

  9. L’anonymat a cependant une autre utilité que la “protection” de l’auteur : quoi que tu écrives, à partir du moment où tu as conquis une forme de notoriété, on a l’impression de savoir avant de te lire ce que contient ta prose. “Ah, c’est Bourrion, l’institution va encore en prendre pour son grade”.
    Bien sûr, cela ne joue pas pour un inconnu (un “anonyme”, comme ceux que les journalistes ont reconnus par milliers lors des obsèques d’Annie Girardot. C’est curieux comme expression, non ?). Mais l’avantage du pseudo, c’est tout de même que l’on prendra le temps de lire le billet avant de classer l’auteur dans le camp des anciens ou des modernes, des geeks ou des chignons, des gauchistes ou des fascistes, etc. etc. Cela peut, parfois, élever la teneur de la discussion.
    A condition, bien sûr, que l’anonyme ait une certaine étique et s’abstienne, du haut de son anonymat, d’expédier des attaques ad hominem (ou ad feminam ; c’est le 8 mars aujourd’hui).
    Si c’est pour donner des leçons, il vaut mieux le faire sous son nom propre, c’est plus honnête…

    Bon moi ça m’est égal je suis pas connu alors je peux signer de mon vrai nom :
    Un anonyme qui vous veut du bien.

  10. Il y a aussi des sujets plus urgents en ce moment que la question de l’anonymat des contributeurs du dictionnaire du diable des bibliothèques (ça par exemple)

    Attention de ne pas faire dévier le débat sur une critique de l’existence même de ce site.

    Si des collègues veulent nous divertir en faisant appel à notre sens de l’auto-dérision et à l’occasion nous faire réfléchir, grand bien leur (et nous) fasse.

    A partir de là, et pour en revenir au débat initial, qu’ils le fassent sous leur nom, un pseudo ou anonymement, peu importe.

  11. Sortons un instant de notre jardin, si vous le voulez bien : il n’y a a pas si longtemps plusieurs collectifs anonymes ont publié des tribunes dans la presse écrite (Marly et Rostand pour la diplomatie, Surcouf chez les militaires). Les sujets étaient lourds, du moins plus que ceux qui nous préoccupent. Et puis, le ton n’avait rien d’humoristique ou de caustique. Mais nous avons tendu l’oreille, écouté le fond, tandis que le malaise de l’anonymat s’installait. Au delà des raisons (parfois légitimes, obligation de discrétion et réserve) qui ont poussé ces hauts fonctionnaires à intervenir masqués dans le débat public, je me demande si la question de l’anonymat n’a pas capté notre attention telle une bonne publicité? Anonymat = subversif? Et plus globalement, wikileaks ne serait-il pas en train de changer notre culture avec son trio dénonciation, transparence, anonymat?

    Mais enfin, ce n’est pas le sujet (?) et nous jouons dans une cour de petits.
    Revenons à notre jardin… D’un coup, j’avoue que cela m’ennuie un peu ;o)

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