Alexandra P.

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Elle s’appelle Alexandra P. Elle est au milieu de son cursus de médecine. Elle ne parvient pas à valider son compte internet. Elle demande de l’aide à la bibliothèque, et c’est comme cela qu’elle arrive dans mon bureau. A force, on trouve ensemble le problème et on le règle.

Elle s’appelle Alexandra P. Elle est roumaine. Elle est arrivée en France depuis une semaine pour parfaire sa formation. Tout le temps qu’on discute tous les deux de ce petit souci technique, je me sens mal à l’aise. Pour la première fois de ma vie, je suis mal à l’aise face à une personne étrangère, parce que je me demande ce qu’elle pense de mon pays et de la manière dont ce pays traite, au mépris des règles les plus élémentaires et sur des bases ethniques, les voyageurs qui le traversent.

Quand Alexandra P. repart, elle est tout sourire parce que son problème est réglé. Moi, je suis de plus en plus en colère, et je me demande quel rôle jouent dans ce pays les bibliothèques silencieuses.

26 thoughts on “Alexandra P.

    1. C’est la première fois parce que jusqu’à ce jour, j’ai eu l’impression que des actions individuelles (comme bien recevoir la personne, par exemple) pouvaient contrer, contre-balancer, même temporairement, le mauvais accueil du pays.
      Là, j’ai eu le sentiment que mon sourire ne suffisait plus.

  1. Je l’avoue : ce n’est pas en tant que bibliothécaire que j’ai envie de réagir sur ces dossiers. Parce que ce n’est qu’une petite part de ma vie et que de toute façon je n’ai ni pouvoir de décision là où je bosse, ni l’oreille attentive de lecteurs sur ce genre de sujets.

      1. C’est ce que je disais concernant la biblioblogosphère 😉
        Sinon, je te propose deux autres maximes (celles que je m’applique à moi-même) :
        1. “Ce que quelqu’un d’autre ferait mieux que toi, ne le fais pas” (André Gide, Les nourritures terrestres)
        2. “Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire” (Bernadette Soubirous, eh si !)

  2. je ne comprends pas bien le pitch : c’est dans TA bibliothèque qu’elle n’arrive pas à valider son compte ? Dans ce cas quel est le pb puisque tu arrives à le résoudre ?

        1. Personne ne l’a envoyé bouillir dans ma bibliothèque. On sait recevoir les gens, fussent-ils d’ailleurs.

          Le problème est que jusqu’à présent, quand je voyais un étudiant étranger, j’étais heureux parce que je me disais que l’Université française et mon pays jouaient à plein leur rôle en accueillant d’autres humains qui n’avaient pas la chance d’avoir ce que nous avons.

          Maintenant, grâce à Nicolas S. et sa clique, j’ai juste honte. Honte.

  3. Comment tu conçois une bibliothèque “non silencieuse” ? Tu appelles à une réaction des associations professionnelles ? Ou à des actions localisées ? Et dans les deux cas, de quel genre ?
    Pour les associations : quel genre de déclaration pourrait être légitime aux yeux des adhérents (qui n’ont pas élu les représentants pour prendre position sur ce genre de sujet, fussent-ils d’accord sur le discours) ?
    Pour des actions locales : quel genre d’action ou de prise de parole ?

    1. Les associations, j’ai de sérieux doutes. Je ne suis dans aucune association, et ce n’est sans doute pas pour rien.

      Pour les actions locales, je pense que la première action, individuelle, c’est des prises de positions claires, publiques, comme ce billet. Que les bibliothécaires arrêtent de se cacher derrière la sacro-sainte neutralité qui fait qu’ “on ne fait pas de politique en bibliothèque” et qu’on ne parle que de bibliothéconomie dans les salons.

      Voilà. Rien d’extraordinaire de ma part, pas de grand soir (je crois plus aux résistances individuelles), mais au moins, ce billet public montre/ra que j’ai choisi mon camp et que la politique actuelle du gouvernement par rapport à certaines minorités et aux exclus en général, tous ceux, en gros, qui ne portent pas de Rolex, me fait dégueuler.

      1. A titre personnel, voici ma position : prendre position sur mon blog n’a pas d’intérêt
        1. parce que je soupçonne que dans le milieu professionnel dans lequel je navigue, ceux qui me lisent seront globalement d’accord avec moi (milieu bibliothécaire plutôt à gauche, il me semble, du moins celui orienté nouvelles technologies)
        2. ceux qui ne seront pas d’accord n’en auront rien à foutre, ne changeront pas d’avis et ne commenteront pas pour avoir avec moi un débat constructif.
        3. En revanche je vois autour de moi, in RL, notamment en famille des réactions qui me désolent et me blessent. Là, j’engage un dialogue (et je me fais traiter de naïf ou d’ignorant) et j’explicite.

        Et j’estime le risque plus grand en prenant position vis-à-vis de mon entourage proche que sur mon blog, où j’aurais un consensus plus grand (un public quasi acquis).
        Alors bien sûr, de ton point de vue ça ne se voit pas, mais j’ai plus de chances de faire ainsi changer d’avis 4-5 personnes. En m’exprimant sur mon blog, que ce soit comme bibliothécaire (mais clairement, à mon sens ce n’est pas le bibliothécaire qui parle) ou pas, je n’apporte rien à personne.

        1. oui, stratégie fort respectable. On peut faire les deux, aussi 😉

          Vraiment, je ne veux pas inciter qui que ce soit à faire quoi que ce soit avec son blog. Sérieux.

          Par ailleurs, quand même, par expérience, je peux te dire que la visibilité de mon blog m’a déjà amené de bonnes prises de têtes (bon, ça se voit pas, c’est souvent en back-office) mais quoi qu’il en soit, je peux t’assurer que tous les gens qui passent ici ne sont pas d’accord avec moi, loin de là…

          Mais encore une fois, ta stratégie est tout à fait respectable et marche sans doute aussi très bien.

  4. Je suis plutôt de l’avis de Lully et je ne brandirai aucune pancarte sur mon lieu de travail. Pour autant la bibliothèque, en tant que lieu de culture, peut très bien jouer un rôle à sa façon, en proposant des lectures, des animations/conférences, etc., autant d’actions visant à permettre à chacun de se forger un avis éclairé.

  5. ll y a aussi un moyen simple qui consiste à faire son travail en sortant les documents.

    Il y a beaucoup de ressemblance entre la politique de sarkozy et bush : stratégie sécuritaire pour masquer une politique d’enrichissement de certains.

    Je vais finir par croiser ces deux bibliographies

    11 septembre 2001 http://www.bibliosurf.com/spip.php?page=time&date_debut=2001-09-11&date_fin=2001-09-12&titre=11%20septembre%202001

    6 mai 2007 : Elections de Nicolas Sarkosy http://www.bibliosurf.com/spip.php?page=time&date_debut=2007-05-6&date_fin=2007-05-7&titre=6%20mai%202007%20:%20Elections%20de%20Nicolas%20Sarkosy

    1. @BS et @Stéphanie : oui, aussi

      @tous : je ne donne de conseils à personne, je ne donne pas de leçons. Chacun/e fait ce qu’il veut/peut, comme il veut/peut. Et on peut aussi ne rien faire.
      Je ne suis pas maître Yoda (suis encore trop jeune 🙂 )

  6. merci pour ce billet (et pour les commentaires)

    on doit faire de notre mieux en tant que bibliothécaire pour bien accueillir les lecteurs étrangers En ce qui me concerne, je m’applique à le faire d’autant plus en ce moment, histoire de leur faire comprendre que ceux qui nous gouvernent actuellement ne parlent pas en mon nom

    On est bibliothécaire, on est également des citoyens. Si on n’est pas allergique à l’action collective, RUSF agit pour défendre les étudiants étrangers contre les persécutions dont ils font l’objet actuellement. On y voit pas mal de jeunes, nos étudiants, de bouger pour aider leurs copains et leurs copines qui sont menacés d’expulsion, traités comme des criminels, traqués comme des animaux. Ca remue les tripes mais ça permet d’approcher concrètement une réalité qu’il est, j’en conviens, plus confortable d’ignorer. Ca donne aussi de l’espoir en la jeunesse.

    Renseignez-vous sur votre campus, le Réseau Université Sans Frontières a besoin de bonne volontés.

  7. Je ne me vois pas avoir un action politique à ce sujet à mon travail.
    Mais quand même, j’ose espérer que vous avez vu passer dans la rue le 4 septembre la manifestation qui nous a permis de nous exprimer, il faisait beau, c’était samedi et nous étions nombreux même si cela semble jamais suffisant, c’est aussi un moyen de se faire entendre entre 2 élections et 2 sondages de TF1, non ?
    Quant à moi, je ne connais pas la nationalité des étudiants : sur leur carte, j’ai leur nom, date et lieu de naissance et j’entends leur niveau de pratique du français… je n’en tire aucune conclusion ni sur leur nationalité, ni sur leur religion …
    @Lully : merci de m’avoir rappeler Bernadette : je suis née à Lourdes et je crois que le pire n’est jamais sûr.

  8. De manière générale, tu ne donnes pas de leçon, c’est vrai. Mais tu interpelles — il est donc normal qu’on te réponde 🙂 Cela nous permet au moins de comprendre pourquoi nous (ré)agissons comme nous le faisons.
    C’est un des avantages du discours sur l’action (l’un n’empêchant pas l’autre) : donner un sens à ce qu’on fait. C’est pourquoi j’apprécie aussi les échanges (qui ne sont pas tous temps perdu).

    1. ouep, j’essaie d’éviter les leçons – bon j’avoue que j’ai un ton qui peut hérisser, le genre le mec qui sait tout. Ce n’est vraiment pas le cas : il y a beaucoup beaucoup plus de choses que je ne sais pas, que de choses que je sais vaguement. Cela, je le sais 🙂

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