Le chercheur et le curling

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Quelques remarques en vrac autour des Estivales 2010 (je n’ai pas trouvé trace des interventions, présentations, etc, en ligne. J’ai sans doute mal regardé…) et des billets que RM consacre à ces estivales ici et .

En préliminaire : la très très grosse majorité d’entre nous ne fera pas de recherches parce que ce n’est pas notre métier. De plus, même si, comme RM le fait remarquer, le concours de conservateur est à niveau licence, l’immense majorité des lauréats a déjà fait de la recherche dans son cursus pré-concours. Partant, la recherche n’a aucune place au sein de la formation initiale des conservateurs puisque tous les conservateurs savent de quoi il retourne.

Donc :

  • Je ne comprends pas quelle est la prétendue valeur ajoutée du conservateur-chercheur :  le fait d’avoir fait de la recherche ne nous donne aucune compétence supplémentaire aux yeux des élus, qui se contrefichent d’avoir en face d’eux un docteur en je ne sais pas quoi, et voudraient sans doute plutôt se confronter à des managers dynamiques et des gestionnaires efficaces (sinon, pourquoi est-ce que l’on verrait des recrutements comme celui de la BM de Toulouse ? Si les élus voulaient des chercheurs, ils prendraient des chercheurs, ce n’est pas ce qui manque) ;
  • Arguer du fait que le fait d’être docteur dans un domaine aide à comprendre les chercheurs de ce domaine et à mieux acquérir pour eux, me fait tomber de ma chaise, pour une raison simple : payer un cadre A+ pour passer des commandes de bouquins, franchement, c’est n’importe quoi. Un conservateur n’a pas à être un acquéreur. Passer un doctorat pour bipper Livres Hedbo, c’est un peu too much ;
  • Stratégiquement, penser qu’il faut faire des conservateurs des chercheurs (i.e. orienter leur formation initiale sur cet axe) pour sauver les meubles et/ou le métier est à mes yeux une très grossière erreur. C’est typiquement un réflexe de crispation identitaire, du type de ceux qui se produisent dans les métiers qui ne correspondent plus à la réalité des pratiques et des besoins, comme quand les éditeurs papier vous expliquent comment leur métier est irremplaçable en faisant de la surenchère professionnelle. Les conducteurs de diligence, les mineurs de fond et autres professionnels disparus sont la preuve que c’est une erreur. Un métier existe et sert à quelque chose en correspondant à des besoins réels.

Cette thématique de la recherche et des conservateurs me hérisse au dernier degré, parce qu’elle se construit toujours peu ou prou sur ce schéma :

  • Nous servons les chercheurs ;
  • Pour bien les servir, il faut être chercheur soi-même ;
  • Donc le conservateur doit être lui-même un chercheur (CQFD).

Or cet argumentaire oublie que la grosse majorité de notre public (Bu et Bm confondu d’ailleurs) est très très loin de la recherche. On ne peut pas dire qu’il faut préparer les futurs conservateurs à travailler avec des chercheurs quand il est tout simplement évident que ce ne sera pas le cas. Un étudiant de L (je rappelle que les L constituent numériquement le socle de nos usagers en Bu – il faudra que je revienne là-dessus) se fout de savoir que j’ai fait une thèse sur X, Y ou Z. Il s’en fout et il a raison. Lui, sa question, c’est “Pourquoi la bibliothèque est encore fermée ?”.

Bref. Voir que les Estivales sont consacrées à des sujets pareils m’attriste. J’espère simplement que ce n’est pas le signe que la réforme tant annoncée du DCB, et dont on ne sait rien (aucun compte-rendu de groupe de travail, pour un débat qui devrait être public), ne va pas renforcer la place de la recherche dans notre formation.

PS : pourquoi mon titre ? Parce que je pense en mon for intérieur que les tenants du conservateur comme chercheur (et ils sont nombreux) sont eux-mêmes des chercheurs passionnés par une discipline et une démarche de recherche (ce qui est en soi éminemment respectable). Ils tendent alors à tout voir par ce prisme déréalisant et se persuadent que leur métier doit être un vecteur de leur passion et favoriser l’expression de cette passion (pour eux et les autres passionnés). Un peu comme si, passionné de curling, je disais que tout conservateur doit faire du curling à l’Enssib et que le curling est essentiel dans le métier de conservateur. Or le curling, ce doit rester une passion personnelle, un hobby, pas un élément structurant de la formation de futurs professionnels qui ne feront jamais de curling.

PS2 : je pense vraiment que le curling est essentiel dans le métier de conservateur…

 

26 thoughts on “Le chercheur et le curling

  1. Je suis assez impressionné (après lecture des billets de RM) par la vision du métier de conservateur qui est donnée…
    “Un conservateur achète des livres” => non, il élabore des politiques documentaires.
    “les élus préfèrent les chercheurs” => pour le prestige, c’est tout, et tant qu’ils ne cherchent pas sur leur temps de travail.

    Bref…
    Si une formation initiale pointue du conservateur me parait essentielle, et c’est là le rôle de l’ENSSIB, il faut savoir faire la différence entre recherche liée au livre et au métier du livre qui ne PEUT PAS se faire sur le temps de travail en BM, BU, BDP (sauf collectivité très riche et conciliante => je plaisante, bien sûr) mais qui DOIT se faire à l’ENSSIB ou à la BNF et ensuite être partagé dans le cadre de formations continues…

    N’oublions pas dans un autre registre et comme le rappelle justement RM que le conservateur est théoriquement moins tenu d’être un chercheur que le professeur d’école primaire, de collège et surtout de lycée… Diplôme nécessaire au concours = L3 contre M2 maintenant dans l’enseignement (un agrégé a le grade d’un conservateur, la majorité ne sont pas des chercheurs…)

  2. Je ne réagirai pas sur le fond parce que ce genre de débats a déjà eu lieu, et je te laisse le droit d’être énervé sans que ça m’interroge profondément (ni ton énervement, ni le débat en soi).

    Mais sur la forme, je suis étonné par la phrase : “Passer un doctorat pour bipper Livres Hedbo, c’est un peu too much”
    Parce que
    1. il y a des manières plus efficaces et plus intelligentes d’acquérir (même si je sais que tous les acquéreurs ne savent pas utiliser des fils RSS)
    2. on pourrait te répondre que “Passer le concours de conservateur pour ouvrir une porte de bibliothèque et rester assis à un bureau de prêt, c’est un peu too much” (puisque ce que tu mets en avant en retour, c’est l’ouverture des bibs et le service des L1)

    Ceci non pas pour contredire ton argument, mais pour te signaler que les répliques trop expéditives ne mènent pas très loin.

    Bon, je te laisse — tu n’as pas un petit Coteaux-du-Layon qui traîne pour te remonter le moral ?

  3. Je pense quand même qu’une double compétence peut etre intéressante. Sans aller jusqu’à un niveau doctorat, ni au delà. C’est peut être un poil excessif de leur part.
    Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’être chercheur pour comprendre les enjeux de la recherche. Y être sensibilisé suffit amplement. Un stage de trois mois m’a permis d’avoir cette sensibilisation. Ce n’est que ma modeste vision, extérieure qui plus est.
    Pour continuer sur tes réflexions sur les publics, se focaliser sur les chercheurs donnerait une désagréable vision clientéliste, en considérant les non-chercheurs comme des usagers de seconde zone.

    PS : je ne te savais pas passionné de curling dans une région où la boule de fort est un sport régional ^o^

  4. Entièrement d’accord, mais avec une nuance : si on faisait de la “recherche appliquée” sur les bibliothèques, ce serait différent.
    Je pense à des études sociologiques de terrain, des études sur les interfaces hommes / machines dans le contexte de la recherche documentaire, des études d’économie sur les budgets de docélec, des études de droit sur les contrats de docélec, etc.

    Mais on est d’accord que ce n’est en général pas à ce genre de choses que pensent les tenants du conservateur-chercheur quand ils parlent de “recherche”.

  5. Deux points me poussent à rebondir sur ton billet.
    1. Je pense qu’il est utile, voir même indispensable, d’avoir fait de la recherche à un moment ou à un autre de sa formation (et ce dans quelques disciplines que ce soit). Je m’en rends compte en tant que formateur où mon expérience de chercheur m’est directement utile, elle a été formatrice, elle m’a appris des modes de raisonnement, et j’en vois tous les jours l’utilité.
    Qu’un conservateur en poste ensuite poursuive ou non des activités de recherches est une autre affaire sur laquelle je n’ai pas d’idée bien arrêtée dans un sens ou dans l’autre.
    2. En tant qu’acquéreur cette fois ci: non je ne trouve pas illégitime de confier à un cadre A+ la charge des acquisitions et il ne s’agit pas de bipper sur livre Hebdo (qu’à dire vrai je n’utilise jamais)! A quoi bon essayer de réfléchir à une politiques documentaires en termes d’exemplaires, de niveaux … si c’est pour considérer qu’il suffit de doucher des codes à barre et d’envoyer un bon de commande!

  6. [soupir]
    Répondre est bien, répondre à ce que je dis vraiment est mieux 🙂

    « la prétendue valeur ajoutée du conservateur-chercheur » : le problème est que tu pars du principe qu’avoir une expérience de recherche (voire la poursuivre) ne sert à rien. Or, d’une part, presque tous ceux qui en ont disent que ça leur est très utile. D’autre part, les collectivités sont loin d’y être défavorables : l’exemple de Troyes que je donne en est un exemple, l’intervention de Lungheretti à l’INP en 2008 en est un autre (et il est désormais au cabinet de FM).
    Ta phrase « Si les élus voulaient des chercheurs, ils prendraient des chercheurs » est donc hors-sujet : il veulent des conservateurs de bon niveau et la question que je me pose avec l’enssib est « un conservateur est-il de meilleur niveau s’il a fait / s’il fait / s’il est capable de faire de la recherche » ?

    Et moi ça me fait tomber de ma chaise que les bibliothécaires soient persuadés de rendre un bon service alors qu’ils sont incapables de répondre aux questions de base d’une très grande partie de leurs étudiants, qui ont eu le mauvais goût d’être scientifiques ou d’aller trop loin dans leurs études. Deux expériences personnelles : 1/j’étais responsable d’une bib de socio (pourtant de sciences humaines) et j’ai eu l’impression de ramer pendant deux ans parce que je ne suis pas sociologue 2/je pose périodiquement des questions aux SRV et les réponses, parfois excellentes, sont souvent mauvaises par manque de connaissance du champ disciplinaire, y compris en histoire.
    Connaître un domaine, ce n’est pas seulement en connaître les enjeux mais aussi les habitudes de travail et de publications et pouvoir *réellement aider* les gens, pas acheter des livres au hasard (Armand Colin OK, L’Harmattan beurk) et faire des formations pour dire « vous mettez le nom de l’auteur dans la case auteur ».

    Précisément ! Dans un monde tel que celui où nous vivons, les techniques de base des bibliothèques appartiennent désormais à tout le monde et vous voudriez en rester là ! Tout le monde sait utiliser une base de données : le formulaire est exactement le même que celui que l’étudiant trouve sur de Particulier à Particulier pour chercher un appart ; je ne sache pas qu’on fasse des formations de 3h pour réussir à chercher un appart.
    Laissons de côté les BM, où le travail est plutôt de la gestion de communauté : dans quelle direction allons-nous ? D’une part vers une proximité de plus en plus grande avec le public pour rendre un service personnalisé (« coach de la connaissance », etc.) c’est à dire disciplinaire ; d’autre part des connaissances des habitudes, besoins et enjeux universitaires pour anticiper les mutations (archives ouvertes,…). Dans les deux cas, cela demande une connaissance disciplinaire et une intégration dans la faculté telles qu’un conservateur-chercheur est le plus à même de les avoir. Mais cela demande une réelle évolution des pratiques, pas comme le « je suis super-moderne, j’ouvre jusqu’à 19h au lieu de 18 ».
    Encore une fois, ne nous trompons pas : je te rejoins parfaitement sur la nécessité d’ouvrir plus et toutes ces choses. C’est important. Mais il ne faut pas s’arrêter là.

    Le public est essentiellement des L : et alors ? quel mépris en leur encontre ! Parce qu’ils commencent leurs études, on peut mettre n’importe qui devant eux ? Cela me rappelle Darcos qui s’étranglaient que les instits, y compris de maternelle, soient recrutés à bac+5 et se demandait « s’il fallait un master pour changer des couches ».
    Un étudiant de L ne se fout pas que tu aies fait une thèse parce que quand il te demande si tu as un manuel qui parle de « classe de régularité » et que tu ne sais pas ce que c’est, tu passeras pour inutile, comme tous les bibliothécaires qu’il a rencontré jusqu’alors. Et si tu vas à un catalogue pour taper cela dans la case titre ou mot-clef, il pouvait le faire sans toi, merci.

    PS : Ce n’est pas tant une question de prisme que de prise en compte de ce que des expériences diversifiées peuvent nous apporter. Il y a 40 ans, on ne voyait pas l’intérêt d’un bibliothécaire pro en lecture publique puisqu’il s’agit d’acheter des livres comme pour soi puis de les prêter. Aujourd’hui, il est temps de passer le cap de la professionnalisation en BU. Avec des gens capables de comprendre leurs lecteurs et de monter de vrais projets qui dépassent les quatre murs de leur section.

    PS2 : Là, on est d’accord 🙂

  7. @Thôt “une formation initiale pointue du conservateur me parait essentielle” – oui, c’est essentiel – si déjà on ne perdait pas de temps avec ces histoires de “recherche”…

    @Lully : Acquérir, ce n’est pas un boulot de conservateur, quels que soient les outils qu’il utilise, je n’en démords pas. La question, c’est quel travail pour quel public (je parle de proportions – faut vraiment que j’y revienne mais en gros, je pense qu’on donne trop aux chercheurs et pas assez aux autres)

    @Tredok : je remets surtout en cause cette histoire de conservateur qui serait d’abord un chercheur.

    @nicomo : oui, la recherche appliquée servirait (sans qu’elle devienne un but en soi). Mais là, nous n’y sommes pas du tout.

  8. @Aurélie : sur le 2., tu réponds toi-même. De fait, un cadre A+ sert à réfléchir à une politique, pas à faire les acquisitions. Un cadre est un cadre, pas autre chose. Utiliser (ou plutôt du coup ne pas les utiliser), comme cela se fait, les capacités intellectuelles supposées de personnes recrutées à très haut niveau, pour exécuter concrètement des achats (quels que soient les outils), c’est juste scandaleux. Je ne suis pas en train de dénigrer la fonction d’acquéreur, je dis juste qu’elle ne relève pas dans son exécution d’un conservateur.

  9. J’entre sur la pointe des pieds suite aux commentaires.
    Une des questions induites est, me semble-t-il la suivante: est ce qu’il faut “faire de la recherche” pour être un bon “bibliothécaire-disciplinaire”? J’aurai aussi tendance à dire que non. Le propre de la recherche n’est il pas de creuser un sillon, forcément étroit dans son périmètre? Cela laisse quand même de belles zones d’ombre – surtout qu’on est parfois en charge d’une BU dont la couverture est vaste (genre “droit et sciences économiques” ou encore “Sciences et SHS”, c’est du vécu!). On fait comment dans ce cas?
    Personnellement, si le but est d’embrasser la discipline pour sublimer sa fonction de professionnel de la doc, j’irais plutôt suivre un semestre 1 de L1 dans chacun des grands départements de la fac (plutôt que de creuser un sillon tout en laissant le reste du champ en jachère).
    A cela, j’ajoute que la recherche, quand elle existe, chez les conservateurs touche principalement les lettres et SHS. Bizarrement, on ne trouve pas beaucoup de conservateurs faisant de la recherche en pharmacie ou en chimie. Du moins, j’en ai peu rencontré…

  10. @ Remi :

    – « un conservateur est-il de meilleur niveau s’il a fait / s’il fait / s’il est capable de faire de la recherche » ? => statistiquement, quasi tous les conservateurs sortis récemment et qui sortiront de l’Enssib dans les années à venir, vu le niveau du concours, ont fait de la recherche. Inutile de faire de la recherche à l’Enssib pour apprendre ce que c’est, donc. Par ailleurs, la recherche n’a pas non plus de place à l’Enssib, dans la formation, puisque le but n’est pas de former des chercheurs.

    – je pense que tu te trompes sur nos publics. Nos publics majoritaires ne sont pas des chercheurs. Du coup, cette erreur induit tout ton raisonnement, qui est juste mais fondé sur une erreur statistique. Ton raisonnement sera juste quand 90 % de notre public sera constitué de chercheurs de haut niveau. Je t’assure que ce n’est pas le cas.

    – aucun mépris envers les L, bien au contraire. Juste le sentiment que la formation des Conservateurs ferait mieux de faire que l’on se rapproche de ces publics et qu’on les connaisse mieux, plutôt que de vouloir nous préparer absolument à aller vers les chercheurs. A ton avis, combien de conservateurs-chercheurs seront prêts, sortis de l’Enssib, à se fader un BR ? En vrai ? A répondre sans mépris à un étudiant qui ne sait même pas ce que c’est qu’un catalogue ? Qui te dit “Je cherche un livre” sans autre précision ? Qui ignore qu’on peut emprunter un document ?

    Suis totalement d’accord sur la nécessité de la profesionnalisation. Je pense simplement qu’un bon professionnel, en bib, n’est pas un chercheur. Un bon pro, en bib, c’est un humain de terrain qui n’a pas peur des autres. Qui sait gérer du relationnel plus que des concepts et du savoir.

    PS : je compte sur toi pour que le GT sur l’évolution de l’Enssib intègre le curling dans les formations.

  11. @Daniel : “Je ne suis pas en train de dénigrer la fonction d’acquéreur, je dis juste qu’elle ne relève pas dans son exécution d’un conservateur.”
    Je trouve la formulation plus acceptable.
    Mais elle-même mérite plus qu’une exécution en règle.
    Est-ce que le service public relève du conservateur, ou bien est-il trop haut pour cela ? “Service public”, pour moi, ce n’est pas distinguer les magasiniers qui sont au bureau de prêt et le service de “renseignement bibliographique” à quelques mètres, et auquel seule l’élite a le droit de s’asseoir.
    “Service public”, ça veut dire aussi indiquer ou sont les toilettes, inscrire un lecteur et doucher des codes-barres. Est-ce du temps perdu ou non ?

    Bref, tout le temps du conservateur doit-il être consacré à coacher ses équipes et rédiger des documents d’orientations, ou bien n’est-il pas souhaitable qu’il fasse aussi un peu de terrain.
    Qu’il prête des documents pour de vrai. Et qu’il en achète quelques-uns aussi.
    Pour moi, c’est plus une question de quantification (pas plus de n heures dans la semaine) que de nature des tâches.

  12. @AMF : excellente idée, le semestre en L1, ça remettrait les idées en place à pas mal de collègues sur la réalité.

    @Lully : j’entends ‘service public’ comme toi.

    Un cadre A est un ‘cadre’ (c’est écrit dessus…), ses fonctions sont des fonctions d’encadrement (et il doit participer sur le terrain au travail qu’il encadre pour mieux le comprendre et mieux l’encadrer).

    Un conservateur peut faire de la recherche, si ça l’amuse. Sauf exceptions très rares, il ne doit pas être formé pour ça, ni payé pour ça.

    Les bibliothèques crèvent (entre autres) d’être pilotées par de purs esprits qui font de la recherche.

  13. @dbourrion

    1/ Ok, on ne se comprend vraiment pas. Je te dis « avoir une formation de recherche, ce n’est pas pour former des chercheurs mais des conservateurs de meilleur niveau » et tu réponds « La recherche n’a pas non plus de place à l’Enssib, dans la formation, puisque le but n’est pas de former des chercheurs » o_Ô

    2/ On ne se comprend tjs pas : je te donne précisément un exemple où très peu de conservateurs seront capables d’aider un L1 parce qu’il a eu la mauvaise idée de faire des maths et tu réponds que je ne prends en compte que les doctorants. Ben non. Juste non. Relis.

    3/ Tous, mais là on est dans des compétences humaines, pas professionnelles. En revanche, à l’étudiant de L1 bio qui dit « Je cherche un livre qui classe les espèces selon leurs différences génétiques », j’aimerais bien avoir des conservateurs spécialistes de ces choses capable de répondre : « Le Lecointre ? Il est juste là : vous voulez que je vous explique comment ça fonctionne ? ». Et si tu continues à penser que de telles connaissances sont *beaucoup trop* pointues et ne sont que du snobisme élitaire, on n’avancera jamais et le L1 ratera son année parce qu’il n’aura pas été conseillé par une personne compétente.

    3/ « humain de terrain » o_Ô Tout le monde sait que toute personne qui dépasse le bac+5 se transforme en monstre vert qui refuse d’adresser la parole aux étudiants… Soyons sérieux.

    4/ « Les bibliothèques crèvent (entre autres) d’être pilotées par de purs esprits qui font de la recherche »
    o_Ô Ben, fais des stats ! Combien de directeurs de SCD ont publié ne serait-ce qu’un unique article dans une revue à comité de lecture ces 5 dernières années ? Certaines bibliothèques crèvent d’être pilotées par des personnes sans ambition qui désirent rester tranquillou dans leur siège, qui ne voient pas la nécessité d’évoluer (puisque dire que quelque chose ne va pas, c’est être méchant avec ses petits camarades et vouloir progresser pour faire efficacement son travail, c’est, je cite, faire preuve de « boursouflure et d’autosatisfaction ») alors même que nous sommes à un tournant où l’évolution et l’adaptation est fondamentale. Je ne dis pas que je suis excellent, loin de là (alors que bien d’autres conservateurs le sont, d’ailleurs), je dis que sans excellence nous mourrons. Et que tenter d’être excellent est un but légitime, même s’il y a des chances pour que nous ne l’atteignions jamais.

  14. @RM
    Par rapport à ton expérience personnelle : “j’étais responsable d’une bib de socio (pourtant de sciences humaines) et j’ai eu l’impression de ramer pendant deux ans parce que je ne suis pas sociologue”

    J’étais jusqu’en septembre dernier en bib SHS, et depuis en médecine-pharmacie. Mon expérience personnelle est la suivante : je constate que je rencontrais plus de difficulté à renseigner en SHS, en ayant pourtant fait des études littéraires (ah mais pas de recherche, c’est vrai, que chuis bête 😉 ). Je renseigne bien (oui oui, c’est mes utilisateurs qui me le disent, j’archive leurs mails de remerciement pour preuve) et sans grande difficulté sur un domaine scientifique, la santé, qui m’est totalement inconnu. Qu’en déduis-tu ?

  15. 1/ Je pense que la formation à la recherche ne sert pas à grand chose chez un conservateur. En tous les cas, je pense que ce n’est aucunement une priorité. Toi, si. Et notre sainte mère l’Enssib semble le penser aussi, puisqu’elle consacre des JE à ce sujet totalement annexe. Nous ne sommes pas d’accord au départ, c’est tout. Comme je le dis à la fin de mon billet, ce qui m’inquiète vraiment, c’est la possibilité que la réforme de la formation donne plus de place à la recherche. Le vrai point important dans tout cela, c’est ça.

    2/ Même sans avoir fait des maths, je pense qu’on peut répondre à un L1. Pas besoin d’un doctorat pour ça. Je fais du SP en droit, je n’ai jamais fait de droit, cela ne m’empêche nullement d’aider les étudiants de quasiment tous les niveaux. Je vais au charbon, c’est tout.

    3/ Ton approche ne tient pas dès le départ. Le concours recrute des littéraires. Tu auras des littéraires en sortie. Tes conservateurs-chercheurs seront des littéraires et donc, ils ne pourront toujours pas aider ton matheux. Si des choses doivent changer, bien avant la question du conservateur-chercheur, c’est le concours qu’il faut réformer. Les Estivales devraient plutôt se pencher là-dessus.

    4/ Humain de terrain. Je suis sérieux. Malheureusement. D’ailleurs, rebondissons sur le point 3 : pourquoi est-ce que le concours ne comporte pas une mise en situation réelle plutôt qu’une dissertation ?

    5/ Je me suis mal exprimé : “de purs esprits qui prétendent faire de la recherche et ne publient rien”.

    6/ D’accord sur l’excellence. Mais elle ne passe aucunement par la recherche, le doctorat et tout ça. Par contre, considérer qu’avoir des conservateurs-chercheurs implique d’avoir qu’ils soient de meilleurs professionnels, à mon avis, encore une fois, c’est une grosse erreur. Un diplôme de recherche n’a rien de professionnalisant, n’apporte aucune compétence professionnelle dans un métier comme le nôtre. C’est notre principal point de désaccord. Je pense que nous sommes irréconciliables là-dessus. Heureusement, le curling nous rassemble comme il rassemblera notre profession.

  16. Petite remarque :

    1. Dans ma promo Enssib, une seule personne n’avait ‘que’ sa licence. Le niveau moyen était autour de M2.

    2. Je gage que le niveau moyens des diplômes des conservateurs en formation initiale ne cesse de monter (on sait bien le décalage grandissant, vers le haut, qu’il y a sur les concours – le phénomène est certainement le même sur les concours ENSSIB). Sur ce point, c’est facile de faire des stats et de vérifier, l’Enssib doit avoir ça.

    3. Donc la proximité des conservateurs avec la recherche ne cesse de grandir : de plus en plus de conservateurs ont fait de la recherche.

    4. La qualité du service qu’ils rendent aux usagers a-t-elle augmentée ? Moi, je pense que non et je pense même que les bibliothèques, conservateurs compris, s’éloignent de plus en plus de leurs publics.

    5. Il n’y a donc aucun rapport entre le fait d’avoir fait de la recherche, et d’être un bon professionnel. CQFD

    6. Le contre-argument consistant à dire ‘certes et donc il faut encore plus de conservateurs-chercheurs’ ne tient pas : le problème ne tient pas un problème de niveau d’études, mais à un problème de positionnement par rapport au public et aux services, rien d’autre. Et ça, ça n’est pas lié à des parchemins accrochés derrière les bureaux.

  17. Je dois vous prévenir : tout conservateur qui se lance dans une recherche concernant son identité, ou celle de l’enssib, ou “Madame de Sévigné est-elle passée par Pontivy ?”, se trouve avalé dans un vortex.

  18. Tiens, y a longtemps que je n’ai pas écrit de gros mots.
    En doc, dans l’enseignement supérieur, il y en a des docteurs : ingénieur de recherche de la BAP F. Je n’en connais pas, je me demande s’ils font un boulot différent de celui des conservateurs, et je me demande aussi comment être docteur les aide.
    Bon là, on entre dans le grand trou noir de la double compétence …qui risque de relancer le débat…

  19. Comme je l’ai déjà écrit ailleurs rapidement, je pense que le principal problème des bibliothèques et des conservateurs, ce n’est pas la recherche ou les conservateurs chercheurs, pour autant qu’il y en est, et pour autant que les problèmes des bib françaises et, plus précisément, des BU, viennent de là, ce qui reste à démontrer (ce que tu ne fais pas Daniel).

    Pour moi ce problème est du même ordre que celui qui touche les éditeurs: ils (les bibs en général, les cons’ en particulier) n’ont rien compris à la révolution numérique, à la révolution des usages. Comme vous l’avez compris à Angers, ce sont les étudiants, vraiment les étudiants, qui doivent être au coeur de l’attention et des services.

    Ce qui m’énerve passablement, c’est la dose d’intellectualisme primaire et de mauvaise foi qui transpire des commentaires précédents (dont les tiens, Daniel): faire du bac + 8 le bouc émissaire des impérities de la profession, c’est débile, c’est mesquin, et c’est faux, ou alors il faut me le prouver. Et autrement que par des exemples du type curling. On peut reprocher à l’Enssib d’avoir choisi ce thème-là pour son événement estival (je pense en effet, sans y être aller et vu de loin, que ce n’est pas de cela, dont il faut parler). Mais charger la barque comme vous le faite, ça me dépasse.

    Je suis un peu énervé, mais ça va passer.

  20. Et puis merde, y’en a marre de ces marronniers à la con qui nous font perdre du temps.

    On n’a pas déjà passé du temps là-dessus l’année dernière, ici même ?

  21. @MxSz : mais justement, le problème central c’est bien que l’Enssib qui forme les bibs et les con’s des 40 ans à venir organise des JE sur un thème annexe.

    Tu as raison, les problèmes que rencontre la bibliothèque ne viennent pas seulement de cette question de la recherche. Mais tant qu’on formera initialement des gens avec ça en ligne directrice, on continuera à s’enfoncer.

    C’est un marronnier, tu as raison. Mais force est de constater que la profession continue à se poser des questions idiotes comme celle du conservateur comme chercheur, au lieu de se réformer en profondeur, en s’appuyant sur le constat que tu fais : “ce sont les étudiants, vraiment les étudiants, qui doivent être au coeur de l’attention et des services.”

    Souviens-toi de notre passage en DCB : tu as vraiment l’impression que depuis (3 ans déjà), les choses ont évolué ? Moi, pas. Dommage.

    PS : allez, bois un coup de Layon.

  22. Bon pour résumer ma (maigre) pensée, et en te remerciant Daniel de ne pas avoir ajouté de l’huile sur le feu de mon commentaire, je pense que la recherche ne doit pas être, ne peut pas être, dans la formation comme dans le métier de cons’, l’horizon régulateur des pratiques et des comportements, y compris dans une bibliothèque de recherche ou patrimoniale (où les activités de médiation, de renseignement, de formation sont aussi importantes ; plus exactement, dans ce cas: de la recherche oui, de la recherche pourquoi pas, si et seulement si elle est au service des usagers). (et la suite du phare de la pensée artésienne au prochain épisode, parce qu’une thèse c’est sympa, mais c’est pas ça qui va me ramener chez moi)

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