Un portrait

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Kay Munro est the UoGL Law, Politics, Statistics and Official data Subject librarian. Elle est aussi la preuve vivante qu’une seule personne motivée peut abattre chaque jour le travail de 4 ou 5, et l’incarnation de la continuité entre l’expertise sur un domaine, la valorisation des collections et la médiation par tous les moyens entre “the library stuff” et les “users”.

Au quotidien que fait-elle ?

  • elle forme in situ les postgraduates de toutes les disciplines à l’usage des statistiques officielles (Arts, Social sciences, Historians, Geographers, Informatics…).
  • elle fait à la demande des Ph-D des recherches de statistiques pointues pour les orienter individuellement sur les données répondant au plus près à leurs besoins
  • elle forme des undergraduates des départements de Law et de Politics, s’orientant progressivement vers un allègement des séances en présentiels au profit d’une dissémination croissante et personnalisée dans Moodle, tout en maintenant toujours un premier contact “humain”
  • elle conçoit de A a Z des cours entiers dans Moodle, avec exercices, tutoriels, exemples personnalisés et j’en passe, des thèmes les plus basiques aux plus pointus
  • elle fait les acquisitions de 14 000 £ par an de livres de niveau recherche en droit et environ la même chose en sciences politiques, et recueille des prescriptions des enseignants (réunion mensuelle avec un correspondant dans chaque département) : elle sélectionne les titres qui sont ensuite traités par le département des acquisitions et saisit semi-manuellement la liste mensuelle des nouveautés de chaque domaine
  • côte politique documentaire, les nouvelles maquettes de formation des facultés de Law and Politics lui sont présentées et elle peut demander des budgets supplémentaires aux “colleges” si la collection sur un domaine est insuffisante. Elle est intégrée symboliquement (par exemple dans l’annuaire de l’université comme un membre a part entière de la faculté de droit)
  • côte valorisation, elle retravaille toutes les bibliographies d’enseignants pour y ajouter un lien vers les ressources de la bibliothèque, travail énorme mais qui rend aux étudiants le meilleur des services
  • elle anime le groupe “writing team” qui s’assure de la cohérence et de l’unité des contenus diffusés en ligne, après avoir été chef de projet de la mise en place rédactionnelle du site web actuel
  • en marge, elle coordonne les users testings, et est donc investie dans tous les développements d’interfaces des nouvelles fonctionnalités de recherche et services en ligne.

Elle aime son métier et ne se pose pas 36000 questions sur son rôle et son utilité comme Librarian à l’ère de Google. Elle invente juste tous les jours de nouvelles façons de le faire, en utilisant de manière réfléchie et experte tous les outils a sa disposition et en regardant lucidement comment servir au mieux et de manière transparente des usagers qui en arrivant a la Glasgow university comme ailleurs ne savent plus à quoi peut bien servir une bibliothèque.

Dans l’opposition bien décrite par Steven Bell* entre  “gate openers” vs “gate keepers”, elle a choisi son camp, celui d’ouvrir le plus de portes possibles vers les usagers et leurs besoins, et de tenter réduire la complexité de l’océan d’informations en petits éléments assimilables, à l’endroit et au moment où le besoin s’en fait sentir.

Ici comme partout se fait sentir la difficulté qu’il y a encore a déléguer les tâches répétitives à valeur ajoutée, comme la personnalisation des bibliographies, les sélections bibliographiques du mois, qui contrairement au catalogage ou à l’estampillage sont encore  souvent laissés à la bonne volonté des individus.

*  Bell, Steven, From gatekeepers to gate-openers: our future lies in designing meaningful library user experiences, American Libraries, August 1 2009

 

12 thoughts on “Un portrait

  1. … bon, bon, bon elle fait tout ça, mais je suis sûr qu’elle ne serait pas capable de décrocher le concours de conservateur en France 😉 Peux-tu nous faire le point sur son sa formation et son parcours ? En tout cas, c’est quand elle veut pour travailler à la BUA

  2. Kay a une formation initiale en sciences politiques niveau Master, puis un diplôme de librarianship.

    Elle travaille à l’UOGL Library depuis plus de 20 ans, et a soutenu un Ph-D en sciences politiques sur le système politique écossais il y a 8 ans. Elle m’a dit que le fait d’être bibliothécaire lui avait grandement facilité la tâche.

    Elle est surtout soutenue et accompagnée par sa hiérarchie à chaque nouveau projet qu’elle porte, et sa directrice l’identifie très clairement comme une de ses “locomotives” pour le management de la UoGL.

    Et comme me l’ont dit plusieurs de mes interlocutrices : “ici, notre business c’est l’apprentissage (“learning”) donc le moins qu’on puisse faire, c’est de toujours être en position d’apprendre nous-mêmes, que ce soit l’utilisation de logiciels, une discipline, etc.”

    Bref, à mon sens la clé c’est une formation continue et attitude constante d’acteur de son parcours contre formation initiale costaude pendant 5 ans et mort cérébrale lente dans les 45 années qui suivent comme parfois dans certains de nos établissements. Et bon, un peu de passion pour ce qu’on fait, visiblement, ça aide à rester vivant !

  3. Plusieurs choses m’intéressent dans ta réponse :
    – Passer son Ph-D après avoir travaillé et pas avant en croyant ensuite qu’on sait tout… ce qui permet une distance intéressante sur la méthodologie et la relation avec son métier de bibliothécaire
    – Savoir être “plastique” en reconfigurant au quotidien ses compétences sans attendre les influences et incitations extérieures
    – Apprendre à toujours bouger sur place. Ce qui contredit l’idée très française que la mobilité est un signe et un gage de compétence ! Ai toujours pensé qu’on déplaçait autant la nullité que l’excellence qui pouvait se révéler au même endroit pendant 40 ans.

  4. Ce parcours et les commentaires d’@otacheau m’inspire une question.

    Si, d’un côté, la formation continue ne permet pas d’améliorer les compétences des individus travaillant en bibliothèque (je fais référence ici à un twitt réagissant au fait que seulement 1/5e des dirs. de BU avaient suivi une formation continue depuis qu’ils étaient en poste, et la réaction d’O. tacheau disant – schématiquement, en 140 signes… – que de toute façon ces formations étaient inutiles et que les gens ne progresseraient pas, désolé pour cette longue parenthèse) et si, de l’autre, la mobilité elle-même n’est pas gage de compétence, que faut-il faire alors pour que les gens progressent (dans leurs compétences, leurs tâches, etc.) ?

  5. Je vais trop vite. Deux problèmes pour la formation continue :
    1. les contenus souvent un peu dépassés (c’est un euphémisme)
    2. le fait que peu de collègues se forment (et que ceux qui se forment se forment à des trucs un peu dépassés).

    De toutes les manières, j’ai toujours été étonné de voir qu’une profession qui vit dans les livres et le savoir a tant besoin d’être formée et n’est donc pas capable d’ouvrir un livre pour s’auto-former (tout est dans les livres, non ?)…

  6. Il faut recruter et former des personnes (curieuses, polyvalentes, ouvertes, indécises, opiniâtres, partageuses et non dogmatiques) qui sont disposées et capables d’apprendre à apprendre (sur un temps long et un périmètre large) et non d’apprendre à savoir. Une collègue me demandait récemment : “Mais comment faites-vous pour vous tenir au courant sans aller dans aucune journée d’études, ni de directeurs, ni associatives…? (les bras m’en sont tombés !) la réponse : je passe mon temps à lire et écouter les gens qui se posent des questions et m’en posent encore plus et non ceux qui donnent des réponses et pontifient sur une tête d’épingle !

  7. @dbourrion : j’ai le même problème avec les prestataires de logiciels.
    Soit je leur dis et leur répète : “C’est votre boulot, à vous de trouver la solution, je ne vais pas le faire à votre place”
    Soit je me résigne à leur dire : “Vous ne voudriez pas essayer tel truc pour résoudre le problème ?” ou “J’ai farfouillé un peu, et j’ai modifié ce machin-là, est-ce que ça vous pose problème ?”

    Pour les collègues, c’est pareil : soit tu dis et tu répètes qu’après tout, ils ont tout à disposition pour s’auto-former.
    Soit tu finis par admettre que, manifestement, en dépit du premier point, ils ne le font pas — et à ce moment-là
    1. tu te résignes à vivre avec des collègues non formés
    2. tu essaies de mettre en place quelque chose (éventuellement le minimum) pour qu’il progresse (mais pas pur égoïsme de ta part : juste pour pouvoir bosser avec des gens compétents).

  8. @Lully : certes, c’est bien pour ça qu’à l’interne nous mettons en place formations sur les choses qui nous paraissent essentielles (non, pas le catalogage)
    Mais ça ne n’enlève pas de l’idée qu’à un moment, ne pas s’auto-former un minimum, ça relève juste de… la faute professionnelle, disons.
    Et ça m’énerve d’autant plus que par ailleurs, notre profession se gargarise de maîtriser l’information et les chemins d’accès au savoir, et ce savoir, d’ailleurs. Me fait bien marrer, tiens.

  9. @dbourrion
    OK, je comprends le point de vue, même si je pense que l’autoformation, c’est pas inné non plus.

  10. Je crois que c’est un état d’esprit… Mais se former à quoi ?

    Que proposons-nous aux collègues pour faire évoluer leur travail ? Quelle autonomie leur laissons-nous ? Quels projets leur proposons-nous ou leur laissons-nous nous proposer ?
    Pourquoi vouloir se former à autre chose que le catalogage lorsque le profil de poste prévoit uniquement des acquisitions et du traitement bibliographique ?

    Ce que je constate à une échelle modeste, en plein milieu des entretiens professionnels 2010, c’est que les gens ne veulent pas tant être formés qu’avoir la possibilité d’utiliser ce à quoi on les forme… et que dès qu’une évolution de profil est possible, une telle qui faisait des acquisitions se met à Captivate pour préparer des screencast en appui aux formations, telle autre qui gérait ses plannings sur papier prend en main l’administration courante d’un logiciel dédié, que 16 personnes qui n’avaient pas spécialement la fibre web 2.0 utilisent couramment l’interface de rédaction de wordpress. Et nous sommes loin du compte car les profils restent encore bien figés d’une année sur l’autre, et l’inertie est autant celle du management, des tâches répétitives et têtues, que celle des gens eux mêmes.

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