Le sel des projets (2/2)

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Dans la série Le Sel SVP

  1. Le sel des projets (1/2)
  2. Le sel des projets (2/2)

Travailler avec :

… son Boss

credit photo : sanchtv Flickra) Le/la choisir. C’est, au sein de la FPE, la seule vraie occasion de choisir avec qui on va travailler. Plus facile qu’avec les autres ingrédients de la vie au travail parce qu’il n’y en a qu’un/e par établissement, et qu’en règle générale on est -au moins un peu- maître de ses propres mouvements de carrière et mutations. J’ai vu pas mal de collègues se focaliser sur la station de métro, le climat, la famille ou la fiche de poste et oublier qu’au quotidien le tempo est donné par le haut et que le bon management, comme le mauvais, ruisselle sur toute la pyramide de l’organisation.

b) lui demander d’expliciter le mode d’emploi et les marges de manoeuvre dont il/elle vous laisse disposer. De quoi doit on lui rendre compte a posteriori, de quoi doit on l’informer a priori, que doit-on soumettre à validation ? Doit-on privilégier un style formel ou détendu, le courrier, le mail ou le téléphone, la secrétaire ou l’adjoint ? Comprendre vite tout ça est le seul moyen d’établir la confiance, nécessaire pour tout le reste.

Voir aussi pour compléter mes lieux communs, un dossier court à lire et rigolo du journal du net, un bon billet sur  Troisième voie, un blog de management, ou une myriade de livres que vous trouverez tous seuls dans le SUDOC, bande de bibliothécaires que vous êtes.

… ses pairs

Là je me place du point de vue d’un “conservateur” faisant partie d’une “équipe de direction”, mais la même structure, en fractale, se retrouve à l’échelle de chaque service ou section.

c) considérer ses pairs comme des partenaires naturels. Comprendre leur rôle dans la bibliothèque, identifier là où les intérêts des services convergent et s’enrichissent. Que de bibliothèques où les chefs de section ne sont que rivaux, où la bibnum vit dans une tour d’ivoire, et où les acquéreurs se regardent en coin pour des miettes de budget !

d) Identifier les grands équilibres et jouer sa partie. Le Boss, tout omnipotent(e), compétent(e), bienveillant(e) qu’il/elle soit doit faire des choix et établir des calendriers, et il y a nécessairement des luttes d’influence : un CMS ou des chauffeuses confortables ? Les sciences ou le droit ? des moniteurs formation ou rangement ? Ne jamais ramener toute la couverture à soi (mauvais pour la bibliothèque dans son ensemble), sans jamais se faire oublier. Les autres ne joueront pas votre partie mais la leur. Parfois, le danger est d’être trop convaincant : avoir des projets communs facilite alors  la vie de tous !

… ses collaborateurs

e) Essayer de connaître les gens, de s’appuyer sur leurs qualités et de passer sur leurs défauts. Quels que soient les unes ou les autres,  faire avec, et aujourd’hui et demain, et se souvenir que pour beaucoup qu’ils étaient là avant soi et seront encore là après que l’on sera parti depuis longtemps. Ne pas oublier chaque individu, derrière la fonction qu’il occupe. Là aussi, lieux communs que tout ça, mais tout le reste s’appuie dessus.

f) Essayer de donner les moyens à chacun de comprendre ce qui s’est passé, ce qui se passe, ce qui va se passer.

Je passe une (pas assez ces temps-ci) bonne partie du temps de travail des autres à communiquer : temps d’entre-deux portes, toujours à recommencer ; réunions, dont au minimum une “de section” mensuelle, souvent trop longues  ;  CR de réunions systématiquement, trop longs, mais lus avec attention par certains et mon assurance face au leitmotiv “On m’avait rien dit, je-suis-pas-concerné”.

J’assume de plus en plus le bavardage, par lequel se noue la confiance, les entretiens professionnels de 3 heures où je reprends par le menu, avec chacun, un à un les projets de l’année à venir, les calendriers, et sa place dans l’ensemble.  Revers de la médaille, c’est souvent en dehors du travail des autres que je fais le lien entre tout ça, que je maintiens la cohérence des calendriers et la possibilité d’offrir à chacun ma vue de généraliste qui connait un peu de tout et ne s’occupe vraiment de rien.

g) Se résigner à perdre le fil, à se tromper – et à le reconnaître, à se contredire, à être contredit(e). Faire, c’est faire des erreurs, et confronter les plans d’action aux autres et à la réalité, c’est savoir les infléchir.

Je suis savante, expérimentée à la hauteur de tous ceux qui travaillent avec moi. Coordonner la puissance de travail déployée par une équipe est loin d’être le boulot ingrat que pourraient laisser croire les nombreux guides de management-réduit-à-la-gestion-des-conflits-interpersonnels.

… Gaston*

e) être le Prunelle de quelque Gaston* : le sel du métier, l’occasion de pousser de loin en loin des grands scrogneufegneu (y compris contre soi-même). Franquin en a pondu 19 tomes, qui en disent plus drôle que je ne saurais le faire !

* Que personne avec qui je travaille ne le prenne pour lui. Gaston, c’est moi, c’est vous, c’est les cagibis trop pleins, c’est mon bureau, les clés baladeuses, les fausses bonnes idées, les classeurs de photocopies, les bobos du bâtiment, etc. Gaston, c’est l’entropie contre laquelle s’investit au jour le jour l’énergie de tout responsable…

Crédits photos : objet fractal, Sanchtv via Flickr ; Gaston à Grévin, Gilles Couteau via Flickr CC.

 

 

6 thoughts on “Le sel des projets (2/2)

  1. Merci pour ce billet qui m’a fait reconsidérer mes pratiques passées et présentes.
    J’ai bien ri quand le sujet du bavardage est abordé! Quand j’ai commencé à travailler comme chef de section, je détestais ça, trop de temps perdu et je ne le faisais jamais… puis j’ai finalement découvert que c’est indispensable dans une équipe très variée (temps partiels, temps plein, temps partagés entre plusieurs sections).
    Je suis beaucoup plus indulgente (avec mesure) et finalement, je vois bien que les quelques grands bavards de l’équipe s’autorégulent et restent plus tard pour finir leur boulot…. mais j’ai peut-être de la chance !

    Sur le fait de ne pas oublier la personne derrière l’agent, je lutte pour faire l’équilibre entre la connaissance suffisante de la vie des agents (autant qu’ils en parlent évidemment, il ne s’agit pas de tirer les vers du nez), le droit de chacun d’avoir une personne au travail distincte de la personne privée (ne pas réduire un agent qui traverse des moments difficiles à la somme de ses problèmes perso) et une saine distance qui permet de recadrer les choses au besoin.
    Souvent délicat et à régler au jour le jour mais jamais ingrat…

  2. Boss : J’ai aussi connu des conservateurs qui acceptaient un poste dans une BU très difficile – motivés par un directeur qu’ils estimaient – et qui ont eu la joie de voir partir ce directeur à la première CAP…
    Il est en effet bon de se faire préciser ce genre de choses…

  3. Assumer les bavardages, oui… les pauses-café prolongées parce que c’est là que, au détour d’une conversation qui n’a rien à voir, l’agent se met à expliciter sa vision du métier et pourquoi il n’a pas compris ce que vous avez dit à la dernière réunion de service où il n’a pas osé intervenir… les papotages devant la photocopieuse, les passages dans le bureau de réception où se trouve, en fin de journée, l’assistante pour une fois toute seule et qui va vous interroger sur “tous ces changements techniques” et tous les moments informels qui sont dans le travail et qui au final en sont bien. Ça me manque presque, ils sont trop parfaits dans ce nouveau poste !

  4. Ah, du management ! C’est pas si fréquent sur les blogs de bib., surtout avec cette petite pointe de sel. Merci !
    C’est éclairant et offre une résonance plaisante avec des trucs qui arrivent/devraient arriver à tout un chacun (“ah, ok, il n’y a pas que moi, ouf” ; ou encore mieux : “ah, oui, tiens, j’aurais dû y penser”). Merci aussi pour les pistes de lecture. J’y vais.

  5. @RM Me souviens d’avoir embêté OT de Paris en lui demandant s’il comptait partir ou non, déjà ébranlée par le départ annoncé des Morin. Mettons que même un bon chef ne peut pas sauver un profil de poste pourri (au hasard, au bout de la ligne 1*).

    Bavardages :
    La journée d’aujourd’hui, où post oblige, je me suis plus regardée vivre au travail que d’hab, illustre bien ce que mon laborieux billet essayait de décrire :
    – matin avant réunion de direction, tour des bureaux, tout le monde est là : remontré en passant dans son bureau à la collègue chargée de suivre les comm’ magasin comment faire une somme dans Excel, et retrouvé dans notre intranet (fouilli, vous avez dit fouilli – Gaston, sors de là) le formulaire imprimable que nous donnons à nos inscrits extérieurs
    – demandé à la responsable administrative dans un autre bureau un chargeur de titreuse et appris qu’un autre fonctionnait un jour sur deux – en avons profité pour faire courir dans radio moquette l’arrivée d’un nouvel agent de maintenance
    – réunion de direction : prise de bec bruyante avec le Boss sur la mise en place de la gestion à l’heure des congés(faudra en causer de ça, tiens, quand on s’en sera sorti), suite à court circuit de réunions d’information. Flots d’échanges, formels, informels, houleux, sérieux.
    – repas collègues équipe de direction : occasion d’en savoir un peu plus sur les fonds spécialisés, loin de moi, mais fascinants
    – discussions informelles avec le boss chemin faisant sur l’état des abords de la U suite à nouveau marché ménage pour expliciter mail de la veille envoyé au bureau des marchés
    – formation moniteurs formation aux merveilles des tables analytiques du Lebon
    – discussion sur un coin de bureau avec 2 collègues sur les menus soucis actuels du PEB, puis à bâtons rompus avec la responsable des plannings sur l’organisation réunion d’information générale nouveau site web/valorisation des collègues, débouchant sur esquisses à grands traits des projets impliquant l’équipe évoqués le matin
    – [pause : où l’on passe dans la 2e vie]
    – vernissage bien belle expo à Belle Beille (même ma progéniture, récupérée pendant l’épisode précédent, a été scotchée et a vraiment regardé, tourné autour, commenté), croisé le graphiste qui a déjà travaillé sur ubib pour évoquer questions de signalétique nouveau bâtiment STS. Occasion de passer dans l’autre section, voir le nouveau mobilier, les murs framboises et toutes ces choses datant d’une petite semaine.

    On peut se dire, verre vide, que tout ça ne paraît pas démesurément productif : en fait une journée banale comme celle là débouche sur :
    – affinage politique documentaire, et meilleure gestion des périodiques en magasin
    – uniformisation des procédures à l’échelle du SCD adaptées aux remarques faites par les collègues pour la gestion des congés
    – maintien d’une dynamique sur la mise en place de services complémentaires, avec en filigrane la préparation des profils de postes 2010-2011 et les entretiens pro 2010
    – petit échantillon d’archives pour assouvir mon vieux goût pour l’EAD
    – aboutissement du partenariat avec un enseignant entamé il y a 7 mois en conseil de département de droit, et amélioration de la formation de 250 étudiants de L2
    – début d’une réflexion chemin faisant sur des projets qui vont impliquer beaucoup de monde, commencement tacite d’une implication au sein de l’équipe
    – jalon sur la mise en place des finitions de la nouvelle BU
    Bref, des graines semées, des petites pousses soignées, du terreau préparé… et Gaston, omniprésent, qui grignote du temps.

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