Copie conforme

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Voici quelques temps, une mienne connaissance (A.P. pour ne pas le nommer) attirait mon attention (et celle d’autres qui vont se reconnaître) sur cette intervention de François Gèze sur le livre dématérialisé. J’ai répondu au-dit A.P. dans le temps même où j’écoutais ladite communication. Ayant soumis ma réponse à la lecture et au vote des autres sollicités, qui m’ont majoritairement donné leur accord, en voici le texte in-extenso et non-retouché, où l’on voit que la drogue, c’est mal.

***

Ai très peu de compréhension des conséquences des mutations en cours/prévisibles du “livre” sur l’édition et son système de production et économique (je n’y connais rien, n’y comprends rien).

Intuitivement (mais je suis peut-être hors-sujet, j’écris en écoutant Gèze en fond ; par ailleurs, je parle comme “professionnel” des bibliothèques (hum…) et comme “auteur” (re-hum))

Le livre pour moi est en train de glisser et d’exploser et le Livre (on remarquera la majuscule), c’est le net ; la granularité devient à la fois énorme (tous les livres) et infinitésimale (le mot noyé dans cette masse).

Peut-être que mon métier (de bibliothécaire) ne va plus être “que” de tracer des routes là-dedans, i.e. monter des squelettes qui permettent à l’usager de suivre un chemin (je pense là à quelque chose comme une carte physiquement “browsable” – regardez cette photo et imaginez que cette structure est un chemin SUR le Net, qui permette de s’y “promener”.) En tant auteur (re-hum), rien ne change à part la possibilité d’une instantanéité de ma diffusion (la littérature instantanée… une sorte de création sous projecteurs quasi permanents, une écriture comme work in progress sans fin, en temps réel et toujours exposée au regard – un happening total, en somme).

L’éditeur/édition deviendrait aussi une sorte de cartographe… et vendrait sa valeur ajoutée de “path-finder”… (avec la librairie à un second niveau de path-finder pour la commercialisation – pas d’accord avec Gèze sur le fait qu’un libraire est meilleur qu’un algorithme de conseil… c’est juste une question de temps, que de voir un logiciel libraire qui pourra remplacer n’importe quel libraire – oui, ça fout les jetons)

Tiens, bizarrement, en écrivant, je m’aperçois que les deux métiers (bib et éditeurs) convergent. La différence ? Le premier rend un service public non monétisable (a priori) ; le/s second/s vend/ent un service.

Concernant papier/numérique : le papier devient un support d’archivage des flux numérique, qui “ferme” le discours et le fige enfin (je rejoins totalement Gèze là-dessus) mais je doute que le papier ait un réel avenir ailleurs que dans des silos destinés à cet archivage (mission autre des bibliothèques ; mission de mémoire publique). Cela dit, la fonction d’archivage sous support papier n’est à mon avis que temporaire (nous réfléchissons toujours avec en tête l’idée d’une technologie informatique d’archivage peu résistante/pérenne ou en tous les cas, moins que le papier… ça aussi ça va sans doute changer et je pense que des technologies numériques (?) (mais je ne sais lesquelles) seront rapidement disponibles, qui seront plus pérennes que le livre – du genre inscrire le livre dans la structure de l’univers et pouvoir y retourner le lire…)

Remarque : Gèze (et nous peut-être) réfléchit toujours sur la base de la forme du Codex (exemple de l’ultimate book) ; or c’est quand même autre chose que moi, en tant qu’auteur (re-hum) je travaille. Je ne travaille pas un objet, je ne travaille pas une forme de “dépôt” final, je travaille un rythme et une “parole” dont j’ai l’impression qu’ils peuvent exister absolument en dehors de la forme du codex (la preuve : je ne pense jamais à la forme du codex, ma forme finale, c’est la phrase ; du livre comme phylactère et le net le permet, non ? C’est quoi ce que je twitte de mes textes sinon cela ?)

D.

PS : désolé de ce mail un peu en vrac, écrit à la volée (work in progress…) ; désolé de prétendre parler comme “auteur”

PS2 : on notera que je n’ai aucune réflexion sur le sujet : je parle d’impressions (jeu de mots involontaires – mon psy aimerait beaucoup, si j’en avais un)

PS3 : me dit après relecture de ce fatras que, si Alain et les autres pensent que si ça en vaut la peine (mais alors vraiment, je veux dire, en laissant de côté toute amitié flatteuse) et si Alain donne son accord, je peux peut-être publier ce “texte” tel quel sur Face Ecran – vous me direz, tapez 1 pour “oui tu dois mettre en ligne” / 2 pour “non tu es encore en pleine délire mon pauvre Daniel prends tes pilules et va te coucher”

4 thoughts on “Copie conforme

  1. Salut Daniel,

    Oui, tu dois absolument le publier sur Face Ecran 🙂 Oui à l’éditeur cartographe du Web (s’il n’oublie pas qu’il lui faudra constamment modifier ses cartes en fonction des érosions et des nouvelles éruptions).

    Pour le libraire, pas d’accord en revanche : toutes les étoiles d’Amazon ne remplaceront pas la recommandation d’un libraire en qui j’ai confiance. Ce qui ne signifie pas que cette confiance ne puisse être prise en compte dans des algorithmes, de même que Gmail préfèrera utiliser notre capacité à reconnaître un spam au premier coup d’œil que d’en calculer la probabilité en comptant le nombre d’occurrences du mot “hot”.

  2. Au “happening total” de l’écriture, vient en miroir celui, intrinsèque, de la lecture, qui ne fait sens du texte qu’au présent.

    François Bon rappellait hier la belle conférence d’Alberto Manguel (BnF 26 juin 2007, http://expositions.bnf.fr/lecture/videos/video099.html ). Les remarques importantes sur la lecture viennent à la fin de la conférence… Pas question d’omettre ce qui précède!

  3. @Xavier : me voilà marri de voir que tu ne fais pas confiance aux machines… 😉

    @AP : hum… Alors le livre est au croisement exact, à l’instant T, de ces deux happenings totaux (écriture, lecture) – ce qui était déjà le cas, avant, sur des formes “figées” – et ce qui change alors, c’est que le livre, comme le lecteur, est devenu mobile. Nous avons perdu tout point fixe – puisque le présent n’est qu’une crête – ce doit être ça, surfer…

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