A la recherche du temps perdu

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

La question des marges de manœuvre (je parle uniquement ici du temps de travail, pas de la question politique ou humaine) dont l’on dispose en bibliothèques pour mettre en place certaines évolutions est évoquée de temps à autre (récemment, ici dans les commentaires). En fait, ce que l’on se demande forcément lorsqu’il s’agit de mettre en place un nouveau service, c’est à quel endroit l’on peut dégager du temps, ou quels sont les glissements qu’il est possible de faire, dans les occupations des équipes, pour qu’elles fassent ceci plutôt que cela.

L’exemple canonique est le catalogage : utiliser pour ce dernier des notices dérivées de réservoirs permet à l’évidence de dégager un temps/homme-femme important, qui peut être utilisé pour des tâches plus proches de l’usager (accueil ou médiation par exemple).

Quelles sont les autres marges temporelles de manœuvre dont nous disposons, à votre avis ? Où perdons-nous du temps ? En cherchant à plusieurs, on devrait dégager un temps fou… Les commentaires sont ouverts.

17 thoughts on “A la recherche du temps perdu

  1. Pour moi, une des grosses pertes de temps repose dans la mode de la “démarche projet”, mal comprise : on étale un chantier sur des mois, ponctués de multiples réunions qui n’amènent rien. Pendant ce temps, le travail n’est pas fait et chaque personne (jusqu’à dix, pas mal de conservateurs) perd deux à trois heures à chaque réunion.

  2. @RM : plutôt d’accord concernant la gestion des projets; mais cela est me semble-t-il un peu la même chose partout (“trop de réunions”)

    Le gros souci en bib. vient à mon sens souvent du fait que des personnes ne disposant pas des compétences requises se retrouvent parachutées à la tête d’un projet (au sens large : de la simple brochure de com. à une nouvelle interface de site web en passant par la formation des usagers à un outil) qu’elles tiennent coûte que coûte à faire vivre (ou mourir….), souvent appuyées, pour être logique, par les décideurs qui les ont nommées et dont les seules actions consistes à “nommer” de mauvaises personnes à la tête des projets (problèmes de décideurs, donc, également).
    Cela est totalement néfaste aux projets et est accentué en bib. par le manque de culture projet, la prépondérance de la hiérarchie, et la part souvent importante de personnel non titulaire (voir stagiaire) utilisé à la fois comme variable d’ajustement et comme ressources d’idées-compétences, qui au bout d’un certain temps en ont plus qu’assez de prendre part à ces “projets”.

    Sinon, 2 autres marges temporelles :
    – les supports de formations que chacun refait à sa sauce. Fédérer est la seule voie de salut.
    – les plans de gestions de projets, justement, qui pourraient être partagés (au delà d’un article dans le BBF – ce qui est déjà pas mal)

  3. S’il s’agit de raisonner à moyen constant (mais il ne faut pas, il faut se battre pour les accroître), je ne vois que 2 leviers :
    – améliorer la productivité individuelle (au risque d’augmenter le stress)
    – optimiser l’organisation du collectif de travail (et bosser dur pour emporter l’adhésion des collègues)

    Le premier levier peut être utilisé dans une logique de “travail durable” (ne pas épuiser ses collègues à court terme) : il s’agit d’aider les collègues à réaliser leur tâches plus rapidement et pas de les contraindre à les réaliser plus rapidement en leur laissant la responsabilité des moyens sous prétexte d’autonomie et de responsabilité.
    Ex :
    – allèger l’équipement des documents imprimés (déjà évoqué) et pas se contenter de demander aux maganisiers d’équiper plus de livres en moins de temps
    – former et reformer nos cadres à la conduite de réunion : la perte de temps réelle et/ou ressentie en réunion est un problème récurrent
    – exploiter au maximum le catalogage partagé pour éviter le catalogage local (on a trouvé un truc chez nous récemment pour exploiter le SUDOC en vue s’éviter de créer ou d’importer en payant des notices provisoires pour nos documents en commande. On aurait pu le faire depuis des années).
    – mutualiser au maximum nos activités de façon institutionnelle mais également informelle grâce aux réseaux sociaux : échanger avec les collègues administrant le même outil (SIGB, résolveur de liens, CMS, etc.) fait gagner du temps en échange d’un investissement (temps passé à communiquer en ligne) qui n’est ni plus ni moins que de la formation continue
    – faire son travail, rien que son travail : pas celui de son subordonné ni celui de son chef, le sien, juste le sien et c’est déjà beaucoup (faire confiance à ses collègues)
    – etc.

    Second levier, l’organisation du collectif de travail : ce serait trops long à développer pour un commentaire de billet. Quelques principes
    – mutualiser au maximum (lieux, services, activités, etc.)
    – éviter les doublons
    – faire confiance à ses collègues
    – ne pas avoir peur d’expérimenter
    – ne pas prendre ses collègues pour des buses (ils n’en sont pas) : ne pas chercher à les tromper même “pour leur bien” ou “pour le bien du service”
    – ne pas hésiter à perdre du temps pour en gagner : convaincre, pas forcer sinon blocage actif (bataille rangée) ou passif (guerrilla et grève du zèle) = perte de temps maximale.
    etc.

  4. @amarois : ouep, le problème du bibliothécaire, c’est d’avouer qu’il ne sait pas quand il ne sait pas, et de passer le boulot à un vrai pro… Parce qu’il n’aime pas ne pas savoir quand son métier c’est/c’était de savoir, justement ?…

    @antmeyl : je suis plutôt d’accord sauf sur un point, la nécessité d’accroître les moyens (sauf si ça devient une volonté politique d’extension de l’emploi public pour lutter contre le chômage, par exemple). Parce que les moyens sont là, ils sont mal employés, mais là.

  5. @dbourrion : “le problème du bibliothécaire, c’est d’avouer qu’il ne sait pas quand il ne sait pas, et de passer le boulot à un vrai pro”
    Si déjà les “chefs” acceptaient de confier la gestion de certains projets à des subalternes plus au fait de certaines questions, ce serait pas mal. Parce que bon les 3/4 du temps c’est le grade et non les aptitudes qui prime, comme le dit très bien @amarois.

    @antmeyl : tout à fait d’accord sur :
    – la nécessité d’apprendre à conduire des réunions pour gagner en efficacité (enfin chez moi c’est inné mais bon pour les autres 😉 )
    – la mutualisation des expériences, ce qui passe par la COMMUNICATION sur les pratiques locales, notamment via blogs et outils sociaux.

  6. @Stéphanie : par “bibliothécaire”, je veux dire (ici et partout où je prends la parole) : toute personne, quelle que soit son grade et sa fonction, qui bosse en bibliothèque. Pour moi, tout le monde est bibliothécaire dans une bibliothèque et les aptitudes et inaptitudes sont présentes ou absentes à tous les niveaux (Take no prisoners…)
    Bref, il faut lire “le problème du bibliothécaire, y compris conservateur général, y compris Pape, c’est d’avouer qu’il ne sait pas… etc.”

  7. @dbourrion : faire mieux avec ce que l’on a n’est pas incompatible avec la nécessité de moyens supplémentaires.

    On ne réclame pas plus de moyens pour s’exonérer d’un effort permanent d’amélioration du service rendu.

    D’une part, j’imagine que le contexte actuel en matière de moyens publics n’échappe à personne : 34000 nouvelles suppressions de postes de fonctionnaires annoncés pour 2010.

    D’autre part, je suis de ceux qui pensent qu’il faut étendre les services et les biens publics, ce qui implique des moyens supplémentaires.

    Enfin pour prendre une exemple concret, le repyramidage des emplois de C en B nécessite des moyens supplémentaires. A moyen constant, il faudrait échanger au minimum 3 emplois de C contre 2 de B soit 800 emplois supprimés à l’échelle de la filière. Est-ce souhaitable? Je ne pense pas.

    Bref, pas d’opposition ou d’incompatibilité entre un soucis d’efficience et un besoin de moyens supplémentaires

    Je finis en te remerciant pour ton billet (ça c’est du service 😉

  8. @dbourrion : j’avais bien compris ; mais le fait est qu’en général celui – le chef de projet – qui serait en position de reconnaître qu’il ne sait pas pour éventuellement passer le relais se recrute rarement dans les rangs des B ou des C. (oui traite-moi de frustrée si ça te chante)

    Une précision également sur l’impératif (à mon sens) de communication sur les pratiques :
    – une conversation téléphonique entre deux personnes cela ne suffit pas ;
    – des échanges verrouillés style liste adbu, ça ne suffit pas non plus.

  9. Souscris des 2 mains à tout ce qui précède en terme de perte de temps gestion de projet et complète : pas de groupe de projet pour discuter “dans le vide” des grandes options (faut-il recoter ? faut-il automatiser ? Faut-il réinformatiser ? Faut-il que le SIGB sache faire le café ???).

    Une fois une option choisie – par le Directeur qui est là pour assumer les choix politiques et non les diluer – que les gens chargés de la mettre en oeuvre la solution choisie s’occupent de le faire et aient les coudées franches pour le faire à leur manière. Que le Directeur fasse que l’intendance suive.

    Limiter au maximum le temps “rédaction cahier des charges” pour des produits standard, et les demandes d’options impossibles à mettre en oeuvre pour gérer l’illusoire “exception locale” et reporter le travail sur le déploiement, la personnalisation possible et l’amélioration continue de la solution choisie dans ses limites. La dessus nicomo aurait certainement beaucoup à dire, mais en un mot : “se considérer comme une bibliothèque standard lorsqu’on achète des produits standard”.

    Eliminer les consultants qui viennent en appoint à des décisions d’action : des réunions en plus, de la prose en plus à lire, des solutions standard sous les oripeaux de résultats de brain storming, des réunions, des réunions, des réunions et au finale une dilution de la responsabilité et une déresponsabilisation des cadres locaux.

    Savoir articuler projets et fonctionnement : concentrer les forces dans des délais courts pour l’action (non aux RFIDsations qui s’éternisent, non aux recotation commencées il y a 3 ans, non aux politiques documentaires qui débouchent sur la rédaction d’un document tiroir dans un tiroir, non au choix de SIGB sur 2 ans, non au déploiement de portails documentaires qui doivent tout faire bien mais demain, ah, non, après-demain).

    Oui aux visites ciblées, oui aux compte-rendus d’expérience in situ des gens qui sont venus à bout de quelque chose, oui au travail sous contrainte de temps qui oblige à aller à l’essentiel, oui aux micro-groupes de moins de 5 personnes mêlant les personnels et mis en place pour faire les choses, oui à un encadrement resserré et responsable et à un circuit court entre la décision et l’action.

    Oui à des marges budgétaires de fonctionnement qui ne bloquent pas tout faute d’une table, d’un portable, d’un cahier, d’une titreuse cassée, d’une navette impossible entre 2 sites, d’un paramétrage informatique non fait, d’une prise non brassée, etc.

    Quand on a tout ça – c’est mon cas ici – même avec peu, on peut faire plus.

  10. @antmeyl : s’il doit y avoir de l’emploi public, d’abord ailleurs que dans les bibs, à mon avis…

    @Stéphanie : hum, pas faux…

    @NaCl2 : euh… rien 🙂

  11. Je propose que chaque bibliothèque se mette enfin à réfléchir à ses procédures de traitement et son sens de la mutualisation.
    Pour ce faire, chaque bib doit créer un groupe de travail composé d’un quart de ses agents pour méditer, à raison d’une demi-journée par semaine pendant 3 mois, afin d’énoncer un rapport de préconisations qui sera remis au directeur (puis transmis à la tutelle).

    Ca me rappelle un petit utilitaire Windows, qui se charge de détecter les programmes tournant inutilement et de les interrompre.
    Il prenait trop de mémoire vive sur mon PC, j’ai dû le désinstaller ;-).

    Bref, tout cela est bien déprimant !

  12. @Lully : gros risque que le groupe de travail soit une perte de temps en tombant dans les travers ici évoqué… 😉
    Sinon, y’a le reboot…

  13. @dbourrion : “s’il doit y avoir de l’emploi public, d’abord ailleurs que dans les bibs, à mon avis…” je pense que beaucoup d’emplois en BU sont occupés soit par des contractuels, soit par des moniteurs qui ont des conditions de contrats qui sont (en comparaison du droit du travail commun) assez hallucinantes.
    Mais cette discussion a lieu par ailleurs.

    Oui, nous discutions beaucoup (comme ici) mais est-ce une perte de temps de réfléchir, analyser nos pratiques et leur évolution ?

    Pour en revenir au temps gagné en bibliothèque pour développer les services aux usagers.
    J’ai retrouvé cet article du BBF sur une bibliothèque allemande ayant externalisé les acquisitions :
    http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2008-02-0025-003

    Donc les catégories A & B aussi peuvent gagner du temps : un libraire ou un éditeur nous livreraient les nouveautés sur des sujets choisis en amont, ces livres étant déjà équipés et côtés en Dewey, nous n’aurions plus qu’à ranger et compléter les réassorts.
    C’est déjà ce que nous faisons avec des collections électroniques définies par les éditeurs et non par nous. Est-ce si iconoclaste et souhaitable ?
    Où est la définition de nos missions ?

  14. Il y a beaucoup à faire, c’est certain…et sur plusieurs ligne.

    – cœur de métier : le circuit du livre pourrait sans doute être allégé. Sans parler d’externalisation (même si cela peut être à creuser), on passe vraiment trop de temps dans nos commandes (sigb de m….) sur des tâches répétitives au possible. L’équipement pourrait aussi être fait en amont, non ? Au moins la couverture, par exemple (partenariat avec les éditeurs et libraires ?); le catalogage, même collaboratif via le Sudoc, est à simplifier, ne serait-ce parce qu’une bonne partie ne sert à rien pour 95% des usagers finaux (et pourquoi, mais alors pourquoi toutes ces métadonnées ne sont-elles pas produites en amont ? ça je n’ai jamais compris – sans doute parce que je ne suis pas passé par l’ENSSIB ;-))

    – l’inertie lors de la conception de nouveaux services impliquant ne serait-ce qu’un peu “d’informatique documentaire” (mais y-a-t-il d’autres projets de nos jours ?). J’ai découvert récemment le terme “agile development” via les ouvrages de la collection “The pragmatic programmers”. Le concept de “méthodes agiles” est très à la mode visiblement de l’autre côté de l’atlantique (http://en.wikipedia.org/wiki/Agile_software_development) et impacte la gestion de projet en générale. Cela peut paraître un terme marketing à certains (à raison d’ailleurs), mais on retrouve beaucoup d’éléments présents dans de nombreux “librarian 2.0 manifesto” (ex : http://www.youtube.com/watch?v=ZblrRs3fkSU) (côté expérimentale des projets, approche itérative, sortir du “on met en ligne quand tout est absssooolument parfait – la perfection étant évaluée selon des critères internes, souvent).
    On en est loin à mon avis; dans mon établissement nous sommes en plein projet de portail (pour parler rapidement), et les réunions s’enchaînent sans veille ni réelles séances de remu-méninges en peaufinant des pseudo-analyses de besoins qui, si elles ont un intérêt, finiront sans doute à côté étant donné les délais (2, 3 ans ?) des développements et le manque d’interaction avec le public durant la phase de mise en place.
    Là, il y a une énorme perte de temps (réunions, documents, re-réunions, re-document,…) qui pourrait sans doute être diminuée.

    Pour résumer ma pensée (c’est beaucoup dire…), disons que l’on ne construit pas des avions de ligne ni des cœurs artificiels tout de même. Autant bricoler un peu, tester, expérimenter !
    J’ai d’ailleurs trouvé ça : Messager Rota V, Gestion de projet vers les méthodes agiles, 2 éd. (Eyrolles, 2009).
    Qu’en pensez vous ?

  15. @amarois : en fait, j’ai le sentiment qu’on s’occupe avec de l’hyper-qualité inutile mais rassurante pour éviter de prendre quelques petits risques ; par ailleurs, lorsqu’il y a prises de risques (augmentées par le fait que nous ne sommes spécialistes de rien, et hésitons à faire faire), on bétonne et sur-bétonne pour se rassurer…
    Sur les méthodes agiles, je n’ai pas creusé, mais c’est une piste dont je prends bonne note, merci.

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