L'arbre qui cache la forêt

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

J’ai esquissé la problématique ici (diapo. n°58), j’y reviens aujourd’hui suite à conversation avec OT (nous préparions son périple belge) : la question du livrel comme support de lecture ne doit pas nous faire nous focaliser sur une question annexe, au détriment des questions de fond. Je m’explique.

Avec ces livrels qui déboulent, l’on a tendance à se positionner seulement sur le matériel (Comment allons-nous gérer le prêt ? Faut-il prêter des livrels ? Faut-il acheter des livrels dont on sait qu’ils seront obsolètes très vite vu l’effervescence technique en ce domaine ? etc…) et la question de l’offre (Qu’allons-nous mettre là-dessus ?).

Mais dans le fond, ces outils, dans leur forme actuelle et à venir, sont sans importance. Ce qui me semble important, c’est les interrogations qu’ils (les livrels) posent à la bibliothèque dans son positionnement face à des outils et pratiques déjà induites par le net ; interrogations que nous n’avons par ailleurs toujours pas réglées ; et que les livrels, dès lors (rapidement) qu’ils auront convergé avec le modèle de l’ordinateur portable, ne feront que dramatiser.

Les vraies questions là-derrière, c’est plutôt : qu’est-ce qu’une bibliothèque qui ne gère plus que des flux ? Qu’une bibliothèque qui travaille de plus en plus avec des usagers distants ? La bibliothèque physique deviendra-t-elle à terme (assez rapidement) un “simple” lieu social (c’est très loin d’être péjoratif pour moi) ? Comment allons-nous gérer ça du point de vue des ressources humaines ? Qu’est-ce qu’un bibliothécaire ? Quelle sera ou pourra être notre valeur ajoutée dans le flux ? etc.

4 thoughts on “L'arbre qui cache la forêt

  1. Bien d’accord avec vous sur le peu d’importance de l’aspect matériel sauf peut être pour un aspect symbolique : la génération actuelle de livrel est bluffante en termes de qualité de lecture et c’est un choc important pour de nombreuses personnes et bibliothécaires de constater que l’on peut lire confortablement sur une “machine électrique”. Cela change profondément leur manière de voir. Je crois que les bibliothèques ont un rôle important à jouer dans cet acte de découverte et que le fait d’être un des acteurs de cette évangélisation nous donne une légitimité et une image positive de la part de nos usagers (et nous savons très bien qu’image et légitimité sont une garantie pour nos budgets du futur). Pour le reste ces technologies évolueront, donc pas de fétichisme dessus.

    La question de l’offre documentaire que nous mettons dessus me parait plus importante, les bibliothèques se positionnent très mal sur la question de l’offre de livres gratuite. C’est assez logique, elles n’ont pas l’habitude de traiter l’abondance. Servir de médiateur entre la multitude des plateformes gratuites et l’usager, le conseiller sur les meilleures éditions disponibles, c’est le coeur traditionnel de notre métier. En outre, servir de médiateur vers les offres d’édition payantes originales (comme publie.net) et les mettre en avant participe de la même stratégie. Nous aurons aussi certainement un rôle important à jouer dans le pérennisation et la préservation à long terme de l’offre gratuite : je dois avoir plus de 10000 ebooks sur mon Calibre, certains téléchargés il y a plus de 10 ans et plus d’un tiers d’entre eux ne sont plus disponibles (sites disparus, formats de fichiers devenus illisibles…).

    Le livrel me parait être une fantastique occasion de faire converger les parts électroniques et analogiques de nos collections dans nos espaces de consultation. En rendant le livre électronique “réel”, le livrel permet de repenser nos lieux de consultation : en remplaçant une série de livres papier par leur équivalent numérique, nous gagnions de l’espace pour le lieux social et de socialisation mais aussi pour mettre en valeur d’autres collections documentaires papier que nous ne pouvions mettre en avant ou des collections patrimoniales via des expos, en économisant sur l’achat des livres papiers remplacés par des ebooks nous pouvons acheter plus et mieux. Toujours sur les expositions, dans une semaine, nous allons tester le livrel comme support du catalogue d’une expo, consacrée au grand historien Henri Pirenne, avec des contenus additionnels (mp3, extraits de textes de l’auteur en question, livrels avec l’ensemble de son oeuvre disponible en parallèle)…

    Je crois aussi que les outils de lecture électronique vont aussi nous permettre de revenir à une bibliothèque plus médiévale qui produit aussi du savoir : je rêve de bibliothécaires qui corrigent et mettent en page correctement les textes de Gutenberg, qui numérisent et diffusent leur patrimoine unique, qui publient leur propre collection d’ebooks (numéro 0 de notre collection dans un gros mois), qui créent des corpus certifiés en collaboration avec les enseignants… Ce genre de tâches à l’air de plutôt motiver nos collègues même les plus rétifs aux “technos”, c’est bon signe. Pour maintenir le moral de troupes, il faudra former, former et former et surement engager aussi de nouveaux profils plus créatifs (infographistes, gestion culturelle,…).

    Donc plutôt que de ne gérer que les flux, je nous vois bien participer aussi très activement à la création de ces flux.

  2. La bonne chose que nous avons constaté vendredi, c’est que le livrel n’est pas ressenti comme une agression technologique par les moins geeks de nos collègues. Au contraire, ils le vivent comme un livre (ou une bibliothèque) normal et sont plein d’idées sur les utilisations (chaque responsable a des collections papier qui le hante après tout).

    Nous avons aussi des tas de collègues plus “artistes” ou imaginatifs qui se verraient bien sur une fraction de leur temps se charger des tâches de création de flux. Ils le voient plus comme une détente ou un travail agréable et motivant. Je suis très optimiste sur ces questions là, car c’est typiquement le genre de question ou les geeks sont vu comme des supports à des activités agréables et pas comme des fous ou des farfelus.

    PS: pourquoi soi-disants d’abord 😉

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