Du blog comme machine littéraire

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Ceux qui suivent savent que le présent blog se double d’un passager clandestin, Terres…, sur lequel je propose et travaille d’autres textes. Après mon billet récent sur l’avenir du livrel et le commentaire de F. qui interrogeaient de fait la lecture, je me suis demandé, aussi, ce que le net et l’ouverture récente de Terres… changeaient dans ma “démarche” et dans mon “écriture”. Et je me suis dit que, comme pour le reste j’allais en faire un billet.

On m’excusera par avance de me considérer dans ce qui suit comme “auteur”, et comme “auteur” s’autorisant à rendre compte de son “expérience”. On m’excusera de plus du fait que ces interrogations n’ont rien de bien nouveau – simplement, j’y suis personnellement confronté, ce qui change tout 🙂

Donc… Terres… est tout à la fois un carnet d’esquisses et un lieu d’auto-publication, et ce statut ne manque pas de m’interroger. Jusque là en effet, le chemin de mes petites crottes, comme j’aime à les appeler, était en effet différent : les esquisses restaient (restent toujours d’ailleurs pour certaines) soigneusement cachées dans mon disque dur, et je ne proposais à une revue que des lignes (sur)mûries. La décision de publication, là, appartenait à quelque “instance” extérieure à moi, et l’acceptation puis la publication d’un texte le figeaient dans sa forme et dans son statut (“ceci est littéraire et publiable”).

Tout est différent avec Terres… Plus de décision extérieure à moi, mais mon seul choix ;(presque) plus de mûrissement, mais une rédaction et des mises en lignes très rapides. En fait, moins de filtres à la visibilité d’un texte, mais une plus grande visibilité d’un mauvais texte. Plus de risques, mais plus de tensions, plus de… mise en danger de soi-même. Quelque chose de plus excitant. De plus “dangereux” (mais pour qui ? Pour l’éventuel lecteur ?) aussi.

Beaucoup de questions, en plus :

  • l’auteur est-il le meilleur juge de sa propre production ?
  • cette immédiateté change-t-elle la forme des écrits ?
  • quid du processus de validation d’un texte ? Qui dira ce qu’il vaut ?
  • est-ce que je reviendrai un jour sur certains textes pour les corriger/reprendre ? Si oui,est-ce que je ferai apparaître ces corrections, et de quelle manière ? Dans ce cas (versions successives), un texte est-il aussi constitué de ses sédiments ?
  • quelles pratiques littéraires sortiront de ces nouvelles manière de lire et d’écrire ?
  • etc. (je suis trop long)

PS : on remarquera qu’il y a un filet sur Terres… : le statut affiché de work in progress des textes. Pas folle la guêpe.

7 thoughts on “Du blog comme machine littéraire

  1. dont acte…

    rebondirai forcément – mais justement, à tes questions le web n’est pas neutre, et produit de lui-même ces outils (non)régulation, (non) prescription, (non)validation qui nous permettent de nous ouvrir et nous repérer, et d’être confronté à un monde à la fois profus et silencieux dont le rayon (+ table) de librairie (ou de bibliothèque) n’est pas une allégorie obsolète

    autre point aussi : qu’à regarder l’histoire littéraire, ce principe que tu dis “immédiateté” n’a JAMAIS été absent de la genèse des grandes oeuvres, c’est plutôt que les lisant depuis une diffusion stable et pérenne on gommait cette temporalité précise de leur gestation, travail qu’on sait désormais faire pour Balzac, Stendhal, Proust, Artaud et d’autres

    ???

  2. et réflexion complémentaire : pourquoi 2 blogs séparés au lieu de 2 rubriques séparées dans le même blog ? et pourquoi s’en tenir à un wordpress gratuit (et limité en réglages, personnalisation du thème etc) plutôt que d’affirmer ici est mon identité numérique et j’en dispose de l’hébergement et du nom de domaine ?

  3. @ F :
    1. Me plaît bien, ton idée à mon lever que ” le web n’est pas neutre, et produit de lui-même ces outils (non)régulation, (non) prescription, (non)validation ” parce que j’aime assez cela, un meta-outil (le web) qui pose de nouvelles questions (en gros celles que j’esquisse) et qui en même temps, dans le même espace, permet aux réponses de se construire.

    2. Pour l’immédiateté – certes mais quand même, le web n’amène-t-il pas une “nouvelle” immédiateté plus immédiate ? Plus visible ? Plus systématique ? Si oui, qu’est-ce que ça change ?

    3. Deux blogs parce que pour moi, ça reste deux activités séparées, voire deux “personnes” distinctes (Non, je ne me prends pas pour Pessoa) même s’il y a des passerelles entre les deux univers (la preuve – tiens, ça me fait penser aux “trous de ver” de la physique…) ; et des blogs hébergés par pure fainéantise (vraiment – l’hébergement limite les possibilités mais simplifie la maintenance et en l’espèce, vu le temps que je passe “Face écran”, je gratte sur toute économie d’énergie – même si effectivement, pour cette question d’affirmation d’identité, j’ai déjà souvent pensé qu’il fallait m’auto-héberger [et souriant juste là : affirmer son identité (numérique) passe par le fait de s’auto-héberger, phrase qui ouvre des perspectives et ferait sourire n’importe quel psy, et pas seulement]).

  4. Q2 : c’est la notion de temps de publication qui change, mais c’est des paramètres déjà existants dans l’histoire littéraire (irruption du feuilleton, placards de Balzac)

    Q3b : on fait certainement des économies de temps qu’on a tout rassemblé dans son propre site, là t’hypocrises – mais le lien “identité numérique” et ressources dont on soit maître c’est une vraie question de fond, pour les auteurs notamment

    Q3a : absolument en désaccord sur le fait que des options de vie et travail différentes doivent se manifester par une séparation d’URL – et difficile de penser que l’écriture perso puisse se lire et se produire indépendamment de la réflexion sur les outils

  5. @F : R à ta R à Q2 : justement, qu’est-ce que ce tassement du temps de publication va changer ? C’est quoi qui s’écrit/se publie via le Net ? Une littérature accélérée ? (déjà qu’elle peut s’augmenter facilement maintenant !)

    R à ta R à Q3b : “ressources dont on soit maître” : cela, oui, suis d’accord, question de fond : le retour de l’auteur comme maître de ce qu’il fait, de bout en bout (enivrant)

    R à ta R à Q3a : hum… alors disons que celui qui écrit est encore maintenu (mais de plus en plus artificiellement) dans le placard par l’autre. Pourquoi ?… That is the question.

  6. Juste sur la question de l’auteur : il me semble vital qu’il reste la source de son œuvre, et que si d’autres souhaitent profiter de son travail, de façon gratuite ou payante, peu importe, qu’il s’assure qu’ils viendront plutôt s’abreuver à la source, quitte à y installer des abreuvoirs (RSS et cie).

    En revanche “maître de ce qu’il fait de bout en bout”, fantasme enivrant certes, mais légèrement recroquevillant 🙂

    X.

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