21 centimes

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

J’ai demandé ces jours-çi le catalogue de l’un des aggrégateurs de contenus numériques de la place, et sa lecture a été très instructive, concernant les différences de prix entre les versions papier, et les versions numériques, des documents.

Globalement, la différence est en moyenne (et sauf erreur de ma part) de 2 euros, mais je voudrais m’arrêter sur le premier bouquin de la liste, un ouvrage d’architecture vendu 60, 21 euros en papier, et… 60 euros comme fichier numérique, soit une différence incroyable de… (les forts en maths ont déjà trouvés, je laisse encore quelques secondes aux autres, comme moi…) de… 21 centimes.

Voilà. Ce chiffre m’a plongé dans des abîmes de réflexion, que NaCl, du bureau voisin, a alimenté en faisant remarquer perfidement que ces 21 centimes devaient représenter le coût de toute la chaine de production papier d’un livre, économisé ici par la dématérialisation de l’ouvrage.

Comme je ne trouve pas de réponse à mes interrogations, je vous passe le bébé : qu’est-ce qui justifie que la différence entre les deux versions de ce livre ne soit que de 21 centimes ?

Tout le monde comprend bien que la production d’un fichier numérique est moins coûteuse, ne serait-ce que parce que le coût du papier et les frais d’imprimerie n’entrent plus en jeu. On ne peut pas dire non plus que la production de ce fichier numérique a généré de nouveaux coûts, puisque les éditeurs passent leurs bouquins aux imprimeurs, sous format numérique, depuis un moment : ce fichier numérique existait donc déjà.

Alors, pourquoi la dématérialisation du livre n’entraîne-t-elle pas une baisse de son prix ? Le support physique n’a-t-il aucune incidence dans le prix d’un livre ? Le papier est-il gratuit pour les éditeurs ? Les ouvriers du livre sont-ils de joyeux bénévoles ? Les gigantesques presses utilisées par les imprimeurs sont-elles offertes par leurs fournisseurs ? Dieu existe-t-il ? (non, je m’égare)

PS : Si j’étais mauvaise langue, je dirais que dans cette nouvelle chaîne, quelqu’un a forcément augmenté ses gains potentiels (ou réels). Ce n’est pas l’imprimeur, il n’est plus là. J’aimerais à penser que l’auteur voit ses droits augmenter pour les versions numériques de son oeuvre, mais je n’ai pas encore entendu parler de cette pratique, sauf . Restent deux acteurs : l’aggrégateur, et l’éditeur. Les commentaires attendent les éléments qu’ils voudront bien apporter à la réflexion, et les vôtres, bien entendu.

PS2 : Je zoome sur les 21 centimes, mais la question demeure posée si l’on reste à la moyenne des différences, 2 euros, donc…

PS3 : Des éléments de réponse là, §1, mais je ne sais pas pourquoi, ça sonne pipeau… Et la proposition 4 est à mourir de rire, vraiment : les rédacteurs de ce texte n’ont pas vu un moins de 35 ans depuis longtemps, apparemment…

(MàJ) PS4 : François Bon sur le texte du SNE

26 thoughts on “21 centimes

  1. Nous avions effectivement observé la même chose… Je crois que la réponse est simple, dans ce prix on paie la mise en place de la plateforme de diffusion et tutti quanti… Ils proposent un nouveau service avec un investissement en moyens intégralement réglé par le client ! c’est tout bénéf !!!

  2. C’est le poids de l’âme de l’imprimeur (ah non ! c’est 21 grammes !). Plus sérieusement, à écouter les mastodontes de l’édition scientifique, on a l’impression que leur chaîne de numérisation n’est toujours pas amortie…
    L’argumentaire du SNE mérite néanmoins qu’on s’y attarde, même si à aucun moment l’énumération accumultaive des nouveaux coûts (avec le “etc” qui nous noie dans la spirale du numérique) n’est comparée , en terme d’euros sonnants et trébuchants aux quelques coûts identitifiés de l’édition classique. En gros, pour encore faire des maths, j’aimerais savoir si 1+1+1+1+1 est supérieur, égal, ou inférieur à 10.

  3. @J-C : ouf, voici qui me rassure sur mes observations 🙂

    @Benjamin : le poids de l’âme…. Pas mal vu… Et puis tu sais, avec les maths modernes, on ne sait jamais, 1-1+1-1+1 peut être égal à 21…

  4. J’allais te renvoyer sur l’argumentaire béton du SNE mais je vois que tu as déjà compulsé ce morceau de bravoure qui mérite d’ores et déjà de figurer en bonne place d’une anthologie de l’écrit humoristique du XXIè siècle (à paraître en exclusivité au format e-pub en 2087).
    Trève de plaisanterie, je suis curieuse moi aussi de la réponse à ta question. Je veux bien entendre l’argument du taux de TVA, qui est effectivement tout à fait recevable mais pas suffisant. En revanche, j’ai un peu de mal avec l’argument de la conversion des fichiers et de leur stockage : on ne me fera pas avaler que les éditeurs ne stockent pas déjà ces données et que la conversion soit si onéreuse.
    En fait, ce qui coûte cher, c’est toute la R&D qu’il faut déployer pour trouver le moyen de faire rentrer les verrines et les graines d’arbousier du Mexique des bouquins estampillés Loisirs…

  5. @Aurélie : si le SNE ne peut plus rire…. 🙂
    Admettons le coût de la R&D pour les verrines… Reste tout le reste, qui pourrait déjà être diffusé numériquement sans R&D, non ? Le dernier Nothomb, je doute qu’il faille de la R&D pour en faire un fichier numérique…

  6. La réponse est très simple : 60,21€, c’est pas un “prix” propre. En revanche, 395 FF, ça l’est.
    Donc le livre est passé de 395 FF à 60,21 €, par simple division (par 6,56…).
    Lors de l’édition numérique, ils ont voulu revenir à un prix “attractif”, ou plutôt net.

    Bref, cela ne justifie absolument pas une réflexion profonde, voire revendicatrice, sur les prix du livre numérique 😉

  7. @Lully : tu démontres calculatrice à la main que le prix du livre numérique n’est pas vraiment pensé de manière nouvelle… Enorme…

  8. Je te trouve injuste : songe que ce prix n’a pas augmenté depuis 2001. Donc étant donné l’inflation annuelle (01/01/2002 = date du passage du franc à l’euro, pour ceux qui l’auraient oublié).
    D’après l’Insee, ce livre imprimé devrait donc valoir : 67,79 €.
    Déjà sur l’imprimé il te fait une ristourne de 12,6%.
    Tu voudrais en plus qu’il te fasse un rabais sur le numérique.

    Comment ça, je suis hors sujet ?

  9. Non c’est vrai, c’est mesquin, ils auraient pu mettre un prix symbolique de la version élec. à 59,99 €…. à la fois 400 balles pour un bouquin qui a 15 ans !

  10. “Je crois que la réponse est simple, dans ce prix on paie la mise en place de la plateforme de diffusion et tutti quanti… Ils proposent un nouveau service avec un investissement en moyens intégralement réglé par le client ! c’est tout bénéf !!!”

    Et surtout déjà testé lors du passage du disque vinyle au compact. Les prix baisseront, qu’ils disaient…

  11. Globalement la moyenne des différences de prix entre le numérique et le papier est de 25%, ça parle plus qu’une différence de prix de 2€.

    Mais c’est vrai que si dans le catalogue de 30 000 titres il n’y en qu’un seul qui vous intéresse, et que ce titre coûte 8€, vous économiserez 2€ si vous le prenez en numérique au lieu du papier. Ce qui est bien mais pas top.

  12. La mise en place de la plateforme de diffusion est déjà payée par ailleurs.
    On paie deux fois (ou plus, enfin ça dépend si on prête un livre ou plusieurs): une fois la mise en place du service, une autre fois le livre qui sera prêtée sur cette plateforme.

  13. En fait, le plus amusant est que certains fournisseurs (que je ne nommerai pas) te facturent non seulement le titre, mais chaque “exemplaire”.

  14. @Guillaume : pas d’accord, le 25 % noie le poisson. Mais peut-être pouvez-vous nous éclairer un peu : où est le problème, très sérieusement ?

    @autres : bon, y’a donc bien un problème….

  15. Le problème c’est que la production du fichier numérique, son stockage et sa distribution ont un coût. Ce n’est pas “pipeau”, c’est un fait. Demandez à votre ami françois bon, apparemment lui songe déjà à se délocaliser au Canada… Tout le monde augmenterait ses gains réels si les ventes étaient plus importantes, mais pour le moment tout le monde investit, dans l’espoir de voir ces investissements devenir rentables à moyen terme. Personne ne se goinfre de profits dans la chaine du livre numérique, sauf peut-être les éditeurs scientifiques anglo-saxons, mais vous devez connaitre leur situation mieux que moi. On en est encore au stade de la survie: les agrégateurs doivent prouver aux éditeurs que leurs modèles économiques sont viables; les éditeurs doivent prouver que numériser leurs catalogues ne revient pas à se tirer une balle dans le pied. Je vous invite à lire la récente tribune d’A. Gallimard dans le Monde: “Défendons le libre commerce des idées et de la création”…). Elle illustre parfaitement le problème des éditeurs: “Le livre est un objet à l’économie trop fragile pour que, digitalisé, il se voie valorisé par des mécanismes exogènes, victime annoncée de “l’idéologie gratuitaire”. Car ce n’est pas qu’au livre numérique que l’on touchera alors ; mais bien aussi au livre papier dont on ne comprendra plus qu’il fût à payer au juste prix et qu’on aura soumis à une concurrence telle qu’il ne pourra plus se maintenir sous forme imprimé.”

  16. @guillaume : merci de ces précisions. Nous ne sommes pas d’accord mais ce n’est pas grave 🙂
    Je ne dis pas que “la production du fichier numérique, son stockage et sa distribution” n’ont pas de coût, je dis que ce coût ne justifie pas le fait que le prix du livre papier et sa version numérique ne soit que si peu éloigné.

    Pour ce qui concerne la tribune de A. Gallimard, je crains de ne pas trouver beaucoup de points d’accord avec lui et d’ailleurs, je crains qu’il n’ait pas bien compris ce qui se passe en ce domaine… Rien que ça ” Pour satisfaire aux appels insistants du camp des modernes (depuis leur téléphone mobile), il est une première chose à faire qui, à terme, les préservera eux-mêmes de la plus grave des crises, celle de la perte de sens et du radotage ” est très parlant d’une sorte de condescendance insupportable.

    Sans parler de ça “Nous n’en sommes pas aujourd’hui à ce que les observateurs anglo-saxons appellent ” l’i-tunes moment ” du livre.” (toujours la même source…) : faut-il rappeler en combien de temps la bascule s’est faite dans le domaine musical ?

    Et puis franchement, utiliser la menace de la mort possible du livre papier pour justifier que l’on freine sur le livre numérique (votre extrait), c’est un argument pour le moins drôle… Que peut-être, les marchands de disque vinyls ont déjà utilisé… Avec l’efficacité que l’on sait.

    Bref, tout ça ne répond pas à la question de départ : qui nous donnera les vrais coûts du passage au numérique qui donc, coûte si cher que l’on économise que 21 centimes ???

    (MàJ) Et puis ça aussi dans le texte d’AG qui en dit long : “Tant qu’il ne sera pas prouvé que la valeur d’usage du livre dématérialisé et des supports qui en permettent la lecture égale celle du livre imprimé (et nous en sommes loin aujourd’hui, pour l’édition dite de littérature générale)”

  17. A mon avis, le plus frappant n’est pas que le coût du numérique soit aussi élevé : c’est plutôt sa parfaite coïncidence avec le coût du papier. S’il faut croire ces éditeurs d’ebooks, nous sommes obligés d’en conclure qu’ils ont fait exprès de créer des chaînes de travail qui génèrent des coûts tels qu’on aboutisse exactement au même prix entre le papier et le numérique.

    J’aurais été plus tenté de les croire s’ils nous avaient annoncé un coût 1,5 fois plus élevé pour le livre électronique que pour le papier (je n’aurais jamais acheté de livrel, mais je les aurais peut-être crus).

  18. @Lully : ne poussons pas le bouchon trop loin, Maurice… Mes 21 centimes sont un cas particulier. Il y a effectivement une différence de prix en général mais rien qui parle à l’entendement…

  19. Dommage effectivement de ne pas voir apparaître de discours sur l’extension du domaine de la lecture en situation nomade, avec un modèle économique complémentaire (à coût alors marginal) de l’exploitation principale, imprimée.

    Il semble clair que pour beaucoup de lecteurs, se voir offrir une prolongation de la lecture imprimée par la mise à disposition du même texte sur iPhone/PDA correspond à une pratique avérée.

  20. Côté éditeurs, pour les coûts de conversion numérique des ouvrages du fonds: de 500 € à 1 000 € en moyenne par livre pour le transformer en vrai e-book, selon sa taille et selon que l’on part du papier (scan) ou d’un fichier PAO (source: François Gèze, de la Découverte).
    Côté agrégateur, pour les coûts de stockage et de distribution: plusieurs milliers d’euros dépensés chaque mois pour héberger et distribuer de manière sécurisée des dizaines de milliers de fichiers de 20Mo en moyenne. Plus évidemment les salaires des développeurs, des personnes chargées de la mise en ligne des livres, etc. Les centres de données utilisées par les agrégateurs ne sont pas offerts par leurs fournisseurs et les ouvriers du livre numérique ne sont pas non plus de joyeux bénévoles.

  21. @guillaume : merci pour ces chiffres. La première partie (qui concerne les éditeurs) est très intéressante…
    Quelle est la marge qu’un agrégateur prend sur le prix d’un livre numérique ? Comme j’ai le sentiment que cette marge n’est pas énorme, les choses se précisent.

  22. cher Guillaume, demain, c’est le 1er avril si vous croyez tout ce qu’on vous raconte vous aurez des surprises!

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