Le flux m'a tuer

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

C’est cette fois MxSz qui avait lancé la commande, , et RM, avec qui je suis d’accord pour une fois, avait répondu . J’ai depuis commencé à tourner autour ici, mais je crois qu’il faut que je développe un peu si j’en crois les débats déclenchés par ce précédent billet. Donc :

  • Nous acquérons déjà nos ressources électroniques (revues) par bouquets indivisibles (enfin si, ils sont divisibles mais le paquet coûte moins cher, en proportion, que l’unité, donc…)
  • Je pense que ce modèle par bouquets/paquets va se généraliser à toutes nos ressources numériques (et comme je pense – je ne suis pas le seul – que la grosse majorité des ressources de la bibliothèque sera rapidement des ressources numériques…). A ce titre, l’exemple de publie.net est frappant : pour une somme dérisoire (pub), nous avons acquis un accès à tout leur catalogue, pas un ou plusieurs titres. On voit d’ailleurs de plus en plus apparaître ces bouquets d’ebooks (je parle de contenus, pas des supports que sont les livrels) dont parle MxSZ : les fournisseurs “traditionnels” de bouquets de revues proposent aussi des paquets d’ebooks et poussent très fort ces produits

Il me semble que la généralisation de cette logique de paquets va sans doute avoir plusieurs conséquences :

  • La polique documentaire monte d’un niveau et perd de sa granularité en devenant une politique documentaire de flux : je choisis d’arroser plus ou moins tel domaine, telle discipline, mais je perds en précision
  • Le nombre des ressources disponibles/potentielles explose (c’est déjà le cas avec les @revues) : on passe dans une gestion de l’abondance / de la surabondance
  • L’acquéreur traditionnel, spécialiste de la discipline, disparaît comme acquéreur à la pièce… parce que les acquisitions perdent également de leur granularité. Les acquisitions se centralisent pour le SCD ou la Bm ou le réseau, et sont gérées par quelques (une ou deux) personnes généralistes gestionnaires de flux, avec décision en équipe de direction
  • Bonne nouvelle, cet ex-acquéreur spécialiste acquiert un nouveau rôle : il devient un e-médiateur et/ou un hôte. Le travail de sélection qu’il faisait en amont passe en aval : scrutant les flux, il extrait des pépites qu’il pousse vers l’usager. Débarrassé de l’aspect ennuyeux des acquisitions (commandes, etc…), il se détache du livre pour se tourner vers l’usager…

Au final, le titre complet de ce billet, c’est : ” Le flux m’a tuer mais il m’a donné une nouvelle vie (signé l’acquéreur) “…

0 thoughts on “Le flux m'a tuer

  1. Merci pour ces précisions.
    Je pense également que, dans l’avenir, les éditeurs seront sans doute amenés à affiner, préciser, cibler leur offre (au lieu de l’étoffer sans cesse), et à offrir des bouquets personnalisés, en fonction des sites, des publics, des missions… et des budgets.
    Pour l’instant, c’est une logique du toujours plus qui est à l’oeuvre. Je ne dis pas que c’est mal, notamment pour les revues. Pour les livres, c’est peut-être un peu plus compliqué: j’aurais autant besoin d’acheter des ouvrages par niveau (pour les L, en gros) que par secteur (éco, droit, etc.).
    Cela, les éditeurs ne l’ont semble-t-il pas encore compris. Cela viendra, je suppose, quand ils auront compris que les bibliothèques cherchent plutôt ce type de service à la carte qu’un gros stock où aucun tri intellectuel n’est fait.

  2. @MxSz : je pense exactement l’inverse, c’est à dire que je me dis que la logique de l’éditeur est d’arroser (ça coûte moins cher) ; et que cet arrosage transfère tout le boulot qualitatif vers nous. Sauf que nous n’y sommes pas encore habitués (à faire de l’extraction qualitative, de la recherche de pépites, sur un grox flux que nous ne contrôlons pas – alors qu’actuellement, l’acquéreur contrôle son flux puisqu’il le construit lui-même par ses acquisitions ; et que c’est un flux plus petit)…

    Je pense que la logique à l’oeuvre en TV, sur les offres bouquets, est un modèle vers lequel on va. Et là, pas d’offres personnalisées… Plusieurs types de bouquets (Sports, Musique, etc…) mais rien de personnalisé… Par contre, plein de magazines TV pour t’aiguiller dans cette manne… Peut-être que nous allons devenir des sortes de guides TV… Des guides doc. numérique…

    Je pense aussi que les éditeurs se fichent un peu de notre demande. Ils tiennnent les tuyaux et ce qui sort du tuyau, donc ils tiennent tout et ils nous tiennent par les … mains…
    Nous n’avons (développé) que peu d’alternatives, donc nous sommes un peu coincés : je pense qu’il va falloir gérer au mieux le flux, mais que croire que nous pouvons influer sur la composition du flux est illusoire (oui, je suis un peu pessimiste aujourd’hui). Si je reprends le parallèle avec la TV, tu connais beaucoup de clients qui ont réussi à convaincre Canal Plus ou Numéricable de leur faire une offre à la carte ?…

  3. Tout à fait d’accord avec Daniel.
    Les éditeurs électroniques nous arrosent, si possible au plus cher, et ne s’inquiètent pas de savoir si leurs bouquets nous conviennent un peu, beaucoup ou pas du tout.

    Etes-vous au courant du nouveau modèle économique que vient de balancer ACS (fin octobre) ?
    Jusqu’à présent, le modèle c’était : les périodiques papier + un surcoût pour avoir accès à la version électronique.
    ACS nouveau modèle : vous n’aurez plus les abonnements papier, mais seulement les accès électroniques (en bouquet, bien sûr, sans aucun choix) pour un coût pour l’instant égal au papier + surcoût électronique (super : je croyais que la production de la version électronique coûtait moins cher que la production papier !!), sans garantie de prix stable dans l’avenir (bref, une prévision d’explosion des coûts après les deux ans de contrat…) et surtout sans garantie d’archivage pérenne…
    Lors de la dernière commission bib, nous avons tenté (moi et le SCD derrière moi) de faire entendre aux chimistes que s’engager dans cette voie était peut-être très dangereux, que ce serait donner sûrement de mauvaises idées aux vrais requins éditoriaux (partant du postulat que les sociétés savantes n’en sont pas… quoique, quand on voit le comportement d’ACS !). En vain… mais en négociant le partage des coûts (avec les labos concernés par la chimie) pour tout surcoût avenir.
    Bien entendu, nous comprenons que l’accès électronique, surtout à distance, est l’usage quasi unanime de tous les scientifiques “durs” et que qu’ils n’en ont plus rien à faire des périodiques papier. Mais les chercheurs ne semblent pas encore complètement prêts à se battre à nos côtés pour contrer le grand méchant éditeur capitaliste… 🙂

    Evidemment, comme à chaque fois que je croise un chercheur, j’ai mis de nouveau en avant l’auto-archivage en archives ouvertes, et notamment dans notre base d’archives institutionnelle. Mais là aussi grande résistance : les chercheurs tiennent à passer en peer review, tiennent à publier dans des revues cotées (on les comprend) et tiennent à leur Human ou impact factor. . Et pourtant, je leur avance bien que ce n’est pas contradictoire, que leur HF en sera amélioré, etc., etc. (Cf. le très récent article de Hélène Bosc sur archivesic). Mais dur de les convaincre…

    On a encore du boulot !!!

  4. @AMacquin : je suis plus pessimiste (ou cynique) que toi. Les éditeurs nous tiennent ? Tant pis pour nous (SCD, Université)…
    Les Archives Ouvertes (qui sont certainement, je suis bien d’accord avec toi, notre porte de sortie de ce piège), qu’en faisons-nous collectivement ? Pas grand chose malgré des initiatives locales intéressantes.
    Comme pour la naissance des Archives Ouvertes, il faudra peut-être que nous arrivions à un point de blocage pour que de nouvelles pratiques se mettent en place : une fois que les éditeurs se seront bien goinfrés (et encore une fois, ils ont raison de le faire…), il arrivera bien un moment où nos finances et celles de l’Université ne suivront vraiment plus. Alors les Universités feront peut-être le nécessaire (i.e. rendre l’auto-archivage obligatoire, et faire des SCD les partenaires techniques des dépôts).
    En attendant, les affaires continuent.

  5. Heu… Nos finances ici ne suivent déjà plus !! C’est bien pour ça qu’on a “forcé” la porte du dialogue avec les chercheurs via une commission spécialisée “SCD et recherche” issue du CS. Les chercheurs se sont affolés quand ils ont vu que nous désabonnions les BDD à tour de bras (dont malheureusement Scopus dès le 1er janvier). Mais il a fallu cette extrémité (qui n’est bien sûr pas volontaire) pour que la sonnette d’alarme résonne dans leurs têtes après des mois de mise en garde par mon chef.
    En attendant, nous avons déjà conclu quelques accords de cofinancement avec des labos ou des UFR et, quand même et malgré cela, nous sacrifions un peu plus de notre budget documentation papier (et donc principalement le niveau pédagogie…) chaque année au profit de la documentation électronique (et donc principalement du niveau recherche).
    Le but est d’arriver à un schéma général de mutualisation comme il en existe déjà par ailleurs dans d’autres SCD. Jusqu’au jour où il n’y aura plus du tout d’argent dans les universités comme tu le dis si bien…

    Quant à l’autoarchivage obligatoire c’est aussi en cours au moins concernant les thèses de doctorat. Il y a donc un peu d’espoir….?

  6. L’hypothèse que tu décris (généralisation de la logique de flux déjà à l’oeuvre pour les e-revues) est la plus logique.

    Ses conséquences sur le travail des bibliothécaires également. Elles sont aussi très motivantes : se concentrer sur le travail d’extraction des pépites pour les pousser vers les usagers est une très bonne perspective, bref le travail qualitatif.

    Je ne suis pas persuadé que les éditeurs ou d’autres acteurs du secteurs (prestataires en matière d’informatique documentaire) renoncent à faire du profit sur ce travail qualitatif et qu’ils ne cherchent pas à nous vendre des solutions techniques permettant de mettre en oeuvre plus facilement ce travail en proposant des dispositifs de personnalisation pour les usagers.

    Quant à la politique des éditeurs scientifiques qui abusent de leurs positions monopolistiques (bienvenue dans le monde merveilleux de la “concurrence libre et non faussée”;-) il est logique qu’ils abusent tant que nous nous comportons en vache à lait dociles. Il est toujours plus facile pour quelques entités peu nombreuses, organisées et mues par un intérêt commun (éditeurs) d’imposer leur loi à des entités nombreuses, encore insuffisamment organisées dans ce domaine à qui on demande de plus en plus d’être en concurrence entre elles (bienvenue dans le monde merveilleux de la loi LRU 😉

    En tout cas, à l’instar d’AMacquin, nous devons faire notre boulot de conviction de nos partenaires au sein de nos établissements.

  7. 2 précisions :

    – c’est une perspective alléchante pour les bibliothécaire SI leur employeur leur permet de réaliser cette activité qualitative. Dans les BU, il est possible que les universités responsables de leur masse salariale misent sur une équipe documentation minimale càd qui gère les flux et qui (éventuellement mais c’est pas sûr) aide les usagers à opérer eux-même cette activité qualitative en développant leurs compétences informationnelles via des activités de formation.

    – à l’appui de l’extension à l’ensemble de notre documentation du développement de l’accès à un flux, voir les billets lumineux d’affordance.info sur “Le marché du livre comme algorithme”

  8. et au lieu de flux pourquoi pas le paiement à l’usage?

    On a accès à tous sous forme de ref biblio et dès qu’on veut (qu’on clique sur) le texte complet, hop c’est facturé. Avec pourquoi pas des forfaits comme les sms? 100000 téléchargements compris et puis x euros par téléchargements supplémentaires.

    Il y a déjà une offre similaire par Elsevier (de mémoire?) pour les petites institutions qui ont un faible taux de téléchargements.

    Ca permettrait aux éditeurs de se passer du filtre budgétaire de la bibliothèque (de l’acquéreur) puisque le chercheur devient acheteur lors de sa consultation. La distribution des quotas se ferait par des profils login/password (x téléchargements autorisés pour le labo y, ect…).

    On évite aussi le problème de l’article que pouf pas de chance il n’est pas en fulltext dans le package qu’on a acheté (soit trop vieux, soit soumis à embargo) et on évite le travail de prêt inter (selon les chercheurs “service qui est bien mais quand même lent surtout quand le site propose de taper un numéro de carte de crédit pour le recevoir directement).

    PS: je ne sais pas si chez vous les labos ont déjà des cartes de crédits sans trop de contrainte d’utilisation pour des achats documentaires ?

  9. Parfois, et seulement sur internet.

    Au quotidien, je continue à prêcher la bonne parole et à convaincre les usagers de l’utilité de leur BU. Y en a même qui ont l’air convaincu (sûrement par respect et pour ne pas me faire perdre mon gagne-pain).

    Puis je rentre chez moi et je commande un livre d’occasion sur Amazon au lieu d’aller voir si ma BM ne l’aurait pas (je dois me déplacer , ils n’ont pas d’Opac…). Mais je dors mal la nuit suivante, rempli de culpabilité.

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