La forme, en plus (2)

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

(épisode précédent)

  • Par ailleurs, entre nous : je ne supporte pas, comme usager, que l’on me dise ce qui est bon pour moi, que l’on me prescrive des lectures légitimes. Je suis assez grand pour ça. Et tout le monde est assez grand pour ça. L’idée que quelqu’un sait ce qui est bon pour les autres me hérisse.
  • Je ne suis pas fasciné par la technologie. Un roman SMS peut être très mauvais. S’il existe un jour des romans livrelesques, certains seront sans doute très mauvais. Et un roman papier peut être mauvais aussi (j’ai des noms). Le support/la technique ne font rien à tout cela. L’important, c’est le contenu, pas le contenant. Rabelais l’a déjà dit.
  • Ce n’est pas parce qu’une forme nous échappe/dérange/déconcerte/bouscule qu’elle est mauvaise ou sans valeur. Le roman SMS fait rire dans les chaumières bibliothéconomiques ? Mais Picasso faisait aussi rire dans les chaumières… Et Baudelaire… La création, c’est toujours du plus et de l’incompréhensible avant de devenir du légitime.

Enfin : je suis surpris, lorsque l’on parle de livrels, de la résistance qu’il y a autour de cette question de l’outil et de ce qu’il ferait courir un risque au papier ; et de la tentation du repli vers des formes/outils connus, que je constate souvent.

J’y vois une crainte de l’inconnu qui, disons-le, me heurte parce que j’ai toujours cru que quelqu’un qui travaille dans le monde de la culture et des bibliothèques ne pouvait qu’être attiré par l’inconnu et les aventures de la nouveauté (je n’ai pas dit “fasciné”, j’ai dit “attiré”) : preuve est faite de ma candeur (oups…).

0 thoughts on “La forme, en plus (2)

  1. Vous m’invitez à débattre ? Allons-y :

    1) Votre argument : « la technique permet l’émergence de nouvelles formes création, de communication etc comme le cinéma et la guitare électrique». C’est évident. Ce qui peut l’être moins, c’est de faire la différence entre Bergman et Michael Bay , une Jim Harley et une Gibson. Affaire d’expérience, de sensibilité, de jugement, de reconnaissance commune.

    2) Sur la notion de prescription. Quand un médecin ou un enseignant prescrit à ses patients et à ses élèves, c’est qu’il leur recommande (ou ordonne : les deux termes sont compris dans la définition) ce qui est bon pour leur santé ou leur savoir. Vous, bibliothécaires, que faites-vous ? Vous ne faites qu’achetez des lots de documents parce que vous ne pouvez tout acheter ce qui est édité (selon votre politique documentaire et, plus simplement, selon vos limites budgétaires). Vous devez donc faire un choix en fonction de ces critères, vous achetez donc certains documents contre d’autres, et qui doivent donc, de façon optimale, répondre à ce qu’il y a de meilleur pour vos lecteurs. Si ce n’est pas là une forme de prescription, dites-moi ce que c’est.

    3) Vous affirmez avoir horreur que l’on vous vous dise ce qui est bon pour vous. Mais ceci vous regarde, vous n’êtes pas seuls. Pensez à tous vos L1 qui ont justement besoin qu’on les encadre et qu’on leur montre comment se débrouiller à la Fac en toute autonomie (je vous rappelle que le fort taux d’échec des L1 est dû au manque d’encadrement et aux perturbations causées par l’organisation de la vie universitaire). Vous pensez vraiment qu’il ne faut pas leur prescrire comment faire ?

  2. Cette histoire de Picasso et de prescription, dont j’entends décidément beaucoup parler en ce moment, me fait penser à une anecdote familiale. Mes arrière-grands-parents possédaient à Montmartre un restaurant où venaient beaucoup d’artistes, dont ledit Picasso. Quand les peintres n’avaient pas assez d’argent pour payer mes aïeux, ils les rémunéraient en tableaux. Si, par la suite, ils disposaient de nouveau d’un petit pécule, ils rachetaient leurs oeuvres au restaurant, sinon mes arrière-grands-parents en restaient les propriétaires. Quand ces derniers ont décidé de vendre le restaurant pour revenir couler une vie paisible dans leur contrée natale, ils ont dû décider du sort de ces oeuvres qui s’entassaient au grenier : ils ont jeté, nous privant de toiles remarquables. Qui pouvait connaître, à l’époque, la valeur de ces toiles, me dit souvent mon père ? Il était difficile de juger en effet. Mes arrière-grand-parents n’étant pas bibliothécaires, ils n’avaient pas à se soucier de la valeur de ces objets, encore moins de leur conservation. Mais nous, en prenant le risque de juger/prescrire, ne prenons-nous pas aussi le risque d’écarter des documents ?
    Ceci est une anecdote, elle est caricaturale et ne vaut rien de plus qu’une anecdote 😉

  3. @ Laurence :

    1/ Pourquoi voulez-vous absolument hiérarchiser des expressions artistiques ?

    2/ Je pense qu’il faut séparer les choses

    a) la prescription vient de l’enseignant : je n’ai pas d’autres choix que d’acheter, si mes budgets le permettent, et de rendre le service attendu, soit mettre à disposition la prescription de quelqu’un d’autre

    b) il n’y a pas de prescription directe (i.e. nous sommes dans l’action culturelle, pour faire court) : je n’ai pas à prescrire, je peux au mieux suggérer, mais ma hiérarchie des choses, même si je suis Bibliothécaire avec un grand B, ne relève pas des Tables de la Loi…

    3/ Evidemment, si l’usager demande une prescription, pourquoi lui refuser ?

    Ce qui me titille dans notre échange depuis son commencement chez BC, c’est l’impression que vous postulez que le Bibliothécaire (avec son grand B) a forcément raison et que l’usager (avec son petit u) est forcément inculte. Bien entendu, si je me trompe, mea culpa…

  4. @liberlibri : ah et dire que si tes grands-parents avaient gardé ces toiles, tu n’aurais pas eu besoin de travailler dans une bibliothèque pour vivre 😉

  5. Votre réponse est sidérante. Pourquoi hiérarchiser dites-vous ? Tout simplement parce que les choses ont de la valeur. Mais je pense que vous vouez dire que c’est à chacun d’établir ses propres hiérarchies. Et c’est là que le bât blesse. Car vous pourrez toujours essayer de me faire croire qu’il faut lire Beigbeder, Comte-Sponville ou Alain Soral pour comprendre comment tourne le monde : cette liste ne ferait pas le poids devant (entre autres) des professeurs du Collège de France ou de l’EHESS qui étudient rigoureusement ces questions. Vous ne pouvez pas dire que « du contrat social », « l’anti-oedipe » ou « les mots et les choses » valent moins ou autant que « la contre histoire de la philosophie », « le etstament de dieu » ou « familles je vous aime » (je vous laisse chercher leurs auteurs). Il suffit (il suffit…bref, il faut produire quelques efforts…) de beaucoup lire pour en avoir l’expérience et constater à quel point de grandes œuvres et de grands auteurs continuent malgré le temps et les modes à être lus et commentés.

    Maintenant, le terme de « prescription » peut être lu comme un ordre. Nous jouons alors sur les mots car je le voyais plus comme une recommandation (la définition du dictionnaire, sur ce point, est ambiguë).

    Je ne dis pas que le bibliothécaire a raison et l’usager à tort. Je dis que le bibliothécaire, par ses choix documentaires, sait ce qui est bon pour tel enseignement quand il sélectionne et met à disposition les documents qu’il acquière. Il opère un choix, un tri, et cette sélection doit être profitable à l’étudiant qui aborde une discipline, ne sait justement pas quoi lire, est un peu perdu dans son programme (il va d’ailleurs sans dire que la systématisation des collections offre déjà une articulation disons « normative » d’un savoir : c’est là encore une sorte de prescription sur l’architecture disciplinaire des savoirs).

  6. @Laurence : Nous sommes à peu près d’accord sur la question du conseil pour ce qui concerne l’étudiant et ce qui relève de son parcours universitaire. Effectivement, l’on peut aider un étudiant à s’orienter entre tous les écrits.

    Mais je parle d’expression artistique, et vous me parlez Collège de France

    Enfin, je vous rappelle que la question de départ dans le débat entre nous, chez BC, c’était : “Est-ce qu’un roman SMS peut avoir valeur littéraire ?”. Je dis que oui.

    Et je dis aussi que la valeur n’est pas le problème par rapport à la demande d’un usager : sa demande est toujours légitime. En soi. Et je dois y répondre.

    PS : tout cela ressemble furieusement à un troll, non ?

  7. @dbourrion : je me console en me disant que nous nous ferions des procès pour savoir qui récupère les sous alors que, dans le cas présent, nous sommes unis dans l’adversité 😉

    @Laurence : c’est curieux, vous avez le même avis qu’un blogueur rencontré la semaine dernière. Le monde est petit 🙂

  8. J’ai envie de dire oui, le roman SMS peut devenir une nouvelle forme de littérature. Mais sur de nouveaux supports, à la manière des romans feuilletons des journaux, et comme il me semble qu’il en existe sous forme de mail, je pense qu’un roman feuilleton par SMS peut fonctionner et donner un nouvel élan à la littérature qui parfois me semble s’embourber dans ses codes et ses standards…

    Sur le point de la prescription, je suis d’accord que le terme est un peu fort mais un bibliothécaire est là pour suggérer, orienter en fonction des demandes des usagers, que ce soit dans ses collections où ailleurs s’il ne possède pas de réponse dans son fonds. C’est en tout cas ma vision du bibliothécaire. Il peut conseiller sur des sujets qu’il maitrise et pour ce qui concerne l’apprentissage et les études, par contre pour la lecture loisir, il ne devrait à mon avis que très peu intervenir dans les choix du lecteur, qu’en suggérant par des présentoirs avantageusements orientés, des propositions sur l’OPAC ou bien des conseils en direct. Tout cela avec l’aspect subjectif que ca implique bien visible!

    @dbourrion : un tout petit troll seulement

  9. Bibliothécaire démocrate, va…

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