J'ai Wii ce matin

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Episode 1 : Une Wii dans ta BU

Episode 1′: Une Wii dans ta BU (Assessment Librarian)

Episode 2 : La pensée horizontale (Le nombril de Belle-Beille)

Episode 3 : Une Wii dans ta Bu – Des compétences et des formations (Assessment Librarian)

Finalement, cette histoire de Wii pose une question : quelles sont les nouvelles compétences que l’on peut attendre des bibliothécaires ? Puisque le CAQME vient de la traiter du point de vue de la formation inter/continue (cf. Episode 3 ci-dessus) je vais me pencher sur la partie formation initiale.

J’imagine que les cours obligatoires de Wii ne sont pas pour demain (je vois déjà les petits malins qui vont courir chez leur médecin traitant pour avoir une dispense…) Mais le coeur du métier évolue, c’est une évidence, même au-delà de ces expériences Wiiesques qui, pourtant, esquissent sans doute de nouveaux métiers ou, du moins, des profils rénovés.

Je me dis donc qu’il n’est plus possible de continuer à former des personnels sur des bases purement techno-bibliothéconomiques qui sont à présent pour partie dépassées, car :

  • ce n’est pas rendre service à ces personnels, qui vont se sentir de plus en plus décalés/isolés ;
  • ce n’est pas rendre service aux bibliothèque ;
  • et ce n’est pas, et surtout, rendre service aux usagers, qui ont besoin d’avoir en face d’eux des personnels qui les accompagnent dans la réalité de leurs besoins et de leurs comportements.

Certes, la capacité d’un bibliothécaire à se défendre à la Wii peut paraître quelque peu anecdotique, mais il ne faut pas s’y tromper : derrière cette compétence, ce qui est interrogé, c’est la compétence “sociale” du bibliothécaire (entendue ici comme capacité à interagir avec les usagers au-delà de l’échange trop souvent limité se faisant par-dessus le comptoir de la banque de prêt ou le bureau de renseignement).

Dit autrement : les compétences “sociales” (plus que sportives…) des bibliothécaires doivent leur être inculquées lors de leur formation. Et l’importante part relationnelle de notre métier ne doit plus être ignorée, non plus que laissée à d’éventuelles aptitudes “innées” : la capacité à parler en public, à interagir sereinement avec un usager dans toutes les situations, à mener un entretien en service de référence, voire, donc, à jouer avec un usager, peut s’apprendre. C’est la bonne nouvelle du jour.

(MàJ : l’initiative de la New York Public Library)

0 thoughts on “J'ai Wii ce matin

  1. C’est une bonne nouvelle. Mais tu ne dis pas où ces choses-là sont censées s’apprendre ?? L’E…B n’est pas la bonne réponse, définitivement. J’ai du mal à imaginer que les associations professionnelles se positionnent sur ce créneau d'”avant garde”. Alors qui ? Où ?

  2. “il n’est plus possible de continuer à former des personnels sur des bases purement techno-bibliothéconomiques”
    Depuis quand les professionnels sont-ils formés sur des bases techno-bibliothéconomiques?
    Les agents des cat. C ne sont que rarement formés, les agents de cat. B sont effectivement formés sur des bases techno-biblio, les agents de cat. A sont des “forts en thème” qui sont formés à le rester, càd ne sont pas formés.

  3. Daniel, j’ai beaucoup de mal à te suivre. Je m’en vais donc chausser mes grands bottes finkielkrautiennes pour quelques remarques sans grand intérêt sur le rôle des BU.

    D’abord, tu conviendras que vos justifications sont un peu laborieuses. D’un côté, on se cache derrière une offre de formations en tentant d’amalgamer des formes (blog, wikis,… support d’une information à comprendre, critiquer, analyser, trier), des outils (OOo, TB, moteurs de recherche…), de l’explicitation de la politique interne et des actions du service (fonds spécialisés, Couperin…) et le raton laveur constitué par la Wii, sous couvert d’un exposé sur l’histoire et la situation actuelle du jeu vidéo. Pourquoi le jeu vidéo et pas la nouvelle cuisine ou l’origami ? Nul ne le sait. On est passé de la formation à la recherche d’information et à l’utilisation d’outil à un cours portant sur un thème déterminé ; de la recherche à l’information elle-même*.

    De l’autre côté, on élargit tellement les prérogatives de la BU que l’on parvient à tout y faire entrer. Si le rôle d’une BU est de favoriser « l’individualisation et la socialisation » des individus, c’est sûr que l’on peut se permettre pas mal de choses, oui. J’attends avec impatience l’organisation d’un match de foot dans la salle de travail (au foot, on apprend à travailler en équipe, on partage des émotions, on se fait de bons amis, on fête les victoires et on dédramatise les défaites : c’est l’école de la vie. Ca tombe bien les BU veulent représenter la vie, toute la vie). La soirée boîte de nuit (ça va sociabiliser sec). La formation jardinage dans le patio (apprendre la patience, la nature, le développement durable). Et bien sûr les rencontres (c’est ton directeur qui en parle, ce n’est pas moi. J’espère au moins que le premier bébé BU s’appellera Daniel en ton honneur). Elargissement ultime (je cite toujours ton directeur) : « la BU est aussi et avant tout un lieu de partage et d’accès à ce que le capital culturel ou socio-économique n’offre pas à tous : le savoir, la culture, les mots… certes, mais aussi l’espace, les ordinateurs, les e-books, les Wii… » Je suis très déçu qu’il s’arrête là, ça commençait à devenir intéressant. Parce que, bien sûr, les pauvres n’ont pas de Wii, mais ils n’ont pas non plus de chemise Hugo Boss, pas d’iPod et pas de Jaguar pour passer chercher une fille le samedi soir (pour l’emmener en boîte à la BU). J’ai entendu dire qu’il y avait même des SDF qui aimeraient bien profiter de vos beaux bâtiments chauffés. Si le rôle d’une BU est d’offrir ce que les gens n’ont pas les moyens de s’offrir, sans discrimination, je t’envoie une liste sans attendre Noël. Vous prêtez les décolleuses à papier peint ? On peut en emprunter quatre pour trois semaines et trois supplémentaires quand on arrive en master ?

    Je suis sans doute un affreux traditionaliste qui n’a rien compris ni à l’informatique, ni aux nouvelles technologies, ni aux bibliothèques en général, mais il se trouve que je fréquente à la fois des étudiants de 2e et 3e cycle et des profs. Et il me semble que le lecteur** a surtout envie d’avoir le bouquin dont il a besoin. Tu me diras bien entendu que la Wii vient en plus et que cela ne doit pas oblitérer les missions traditionnelles de la BU. Certes. Il ne me semble cependant pas que les BU croulent sous l’argent ; pour tout dire, les bibliothèques françaises ont des collections assez minables par rapport à ce qu’on peut trouver aux EU ou en Allemagne. Dire à un élève que le livre qu’il désire n’a pas été acheté par manque de moyen et l’obliger à un PEB ou à traverser Paris, c’est dommage. Lui répondre la même chose quand cet élève voit que l’on préfère acheter des jeux vidéos plutôt que l’ouvrage dont il a besoin pour ses partiels ou sa thèse, cela sera plus difficile. C’est là que ta formation à la sociabilité te sera utile, mon cher…

    Car, je dois avouer qu’en ce qui concerne la question de la formation, je ne comprends pas très bien où tu veux en venir. Bibliothécaires ou pas, nous vivons dans un monde, dans une société dont on ne peut évidemment pas faire abstraction. Que les conservateurs doivent se servir des outils informatiques, c’est un lieu commun, mais comme tout le monde. Qu’ils ne doivent pas être autistes mais chercher à rendre le meilleur service possible, cela tombe sous le sens. Qu’il faille savoir quels buts nous visons, qu’il faille élaborer une méthode pour l’atteindre et savoir si nous avons réussi, c’est la base de tout travail intellectuel. Après, reste à définir ces buts : si tu réussis à obtenir une lettre de mission qui dit que le but de l’université est de former des élèves méga-cool et éventuellement de leur trouver une copine, je comprendrai votre politique.

    Mais franchement, tu as eu l’impression de recevoir une formation bibliothéconomique technique et poussée, toi ? Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris mais il me semble que le but de l’Enssib est au contraire de former des gens ouverts à des problématiques larges, au monde où ils vivent [d’où quelques insuffisances car les élèves sont généralement des gens intelligents qui n’ont pas attendu sur l’Enssib pour s’intéresser à la politique et à l’économie de la culture, à la socio, à l’histoire et aux nouvelles technologies], certainement pas des experts***. Tu crois vraiment à ce que tu dis en prétendant que jouer à la console est une compétence sociale et qu’elle doit s’apprendre ? Franchement ?

    Bon après, je réagis parce que ça m’amuse de polémiquer et de contredire les ébahissements 2.0**** mais ce type d’événement n’a pas grand importance, il faut le reconnaître. Vous avez fait un coup de pub, c’est bien, on a entendu parler de vous. Le problème est que je ne suis pas sûr que cela soit bénéfique pour la BU. Les élèves trouveront ça sympa tout en pensant qu’à la BU, c’est vraiment des branleurs (eh oui, tel est le vocabulaire un peu fruste des rudes gaillards qui hantent nos belles universités mon brave monsieur) ; la plupart des professeurs n’essaieront même pas de comprendre et jugeront que les bibliothécaires ne sont décidément pas de véritables partenaires pour leurs recherches. Finalement, l’onde de choc, la puissante déferlante concernera trois blogs de bibliothécaires en mal de fausse modernité. Ce n’est pas ça qui coulera l’université française, va. Je suis juste déçu parce que je croyais naïvement que les bibliothécaires n’utilisaient pas les techniques marketeuses et les attrape-nigauds parce qu’ils avaient d’autres valeurs ; ce n’était apparemment que par ignorance : ils viennent de découvrir la « communication » et la démagogie. C’est finalement peut-être bon signe : les boutons de l’adolescent acnéique indiquent qu’il sera adulte dans quelques années.

    Je te demeure bien amicalement,

    RM

    PS : Préviens-moi tout de même quand vous organiserez cette classe de neige, destinée à rapprocher les étudiants de la fac et à leur montrer que les conservateurs sont de joyeux déconneurs ; c’est cher Courchevel pour un fonctionnaire comme moi.
    PPS : Remarque, si OCLC s’y met, peut-être que Duke Nukem Forever finira enfin par voir le jour…

    *Aparté : cela vient, je crois, d’une confusion assez courante. On mélange thème et techniques utilisées pour les traiter. C’est ainsi que les blogs bibliothéconomiques parlent essentiellement de nouvelles technologies : à technique moderne, sujet d’actualité. C’est stupide. Un blog est une forme qui permet de traiter n’importe quel sujet. C’est la forme est moderne, pas le sujet traité.
    **Peut-être faudra-t-il bannir ce mot et le remplacer par « gamer 2.0 » ?
    ***Ce qui pose d’autres problèmes car on a aussi besoin d’experts en bibliothèque. Par ailleurs un expert possède généralement les qualités sus-citées et est *en plus* expert d’un domaine. Mais les idées reçues ont la vie dure : quelqu’un qui joue à la Wii est forcément un mec cool et quelqu’un qui s’intéresse à des vieilleries un type chiant et triste.
    ****Mais qu’est-ce que la Wii a à voir avec le 2.0, mon dieu ? Et en quoi serait-ce une marque de modernité ? Je jouais aux jeux vidéo bien avant Internet, quand il fallait 45 minutes pour charger Green Beret sur Amstrad

  4. @RM : d’abord bravo, tu viens de battre le record du monde du commentaire le plus long 🙂
    Je vais essayer de te répondre sans battre ce record…
    1/ Pourquoi pas (cette réponse concerne toutes tes suggestions du type cours de jardinage, match de foot ou d’Origami, etc…) ? Qu’est-ce qui nous en empêche à part nos propres représentations de ce que doit être une bibliothèque ? Certainement pas les coûts car….
    2/ L’argument financier ne tient pas : une Wii coûte 250 euros sans faire entrer dans la danse de sponsors… Un ballon de foot quelques euros… Je ne pense pas que ces achats là mettent à mal un budget d’acquisition (près d’un million d’euros à Angers par exemple). D’ailleurs, je peux t’affirmer qu’en cherchant (et pas beaucoup), tu trouveras dans toutes les bibliothèques nombre de documents achetés, et jamais empruntés ni même sortis des rayonnages ; et nombre d’abonnements à des revues qui se sont jamais consultées ; le tout pour des coûts bien largement supérieurs à ce dont nous parlons ici.
    3/ la question de la formation ne concerne pas que les conservateurs, elle traverse toute la profession : pourquoi ne forme-t-on pas les personnels de bibliothèques au versant relationnel de leur travail ? Pourquoi cette profession fait-elle semblant d’ignorer qu’elle est en contact avec des usagers et que cela s’apprend, à gérer du contact ? Pour qui sommes-nous dans les bibliothèques : pour les livres ou pour les humains ? La réponse à cette question oriente tout le reste…
    4/ communiquer n’est pas honteux ni démagogique. Sortir de notre tour d’ivoire ne l’est pas non plus. Se rapprocher de la réalité de nos usagers ne signifie pas que l’on renonce à ses valeurs (dans humaniste, il y a humain… Même si l’humain en question est un jeune branleur qui préfère jouer à la Wii et draguer les filles que lire des livres – ce qui n’empêche rien puisque nous pouvons aussi l’amener à lire ; ou pas d’ailleurs : la vie n’est pas dans les livres !)

    En résumé et avec toute l’amitié que je peux porter à quelqu’un qui parle à l’oreille des écureuils (cf. Facebook) : tu es en plein dans la pensée verticale… Nous pouvons proposer des livres ET des Wii ET des cours d’Origami ET du speed dating ET des choses sympathiques ET des choses sérieuses….
    Nous pouvons proposer des lieux de travail ET des lieux de vie. Parce que la vie c’est tout ça à la fois.
    Le seul obstacle réel, c’est nous-mêmes et nos représentations…. Et si tout ça ne sert qu’à faire que des questions soient posées, eh bien posons-les…

    Mes amitiés à l’écureuil 🙂

  5. Tout à fait d’accord avec DBourrion : les compétences sociales me semblent essentielles en bibliothèque, que ce soit au niveau des relations avec le public ou pour le bon fonctionnement des équipes.
    Je participe actuellement à un stage intitulé “La voix et ses incarnations” au Conservatoire des Littératures orales (CLIO) de Vendôme ; pour moi, il vient en complément à d’autres formations plus “techniques” ou “managériales”. Peut-être comme un supplément d’âme ? Autre intérêt connexe : à cette formation participent des psychologues, des conteurs, des éducateurs, des profs, des musiciens,… et les échanges sont très riches.
    Tout ce qui va vers l’ouvert est, à mon avis, de nature à rafraîchir et repenser le coeur du métier, et à rénover nos façons de travailler.

    Cordialement 🙂

  6. J’avoue que, toute fascinée par le 2.0 que je suis, je partage les doutes de notre dompteur d’écureuils.

    Si la Wii se justifie dans une BM (pour faire venir des ados et les inciter découvrir d’autres choses), je ne vois pas vraiment ce qu’elle peut faire dans une BU. Les étudiants sont à la fac pour faire leurs études, et le conseil de la vie étudiante est là pour les aider à passer ces quelques années dans une ambiance acceptable : le SCD a d’autres missions.

    250 euros, ça fait quand même quelques bouquins de plus, non? C’est toujours ça de pris… Sans compter les jeux vidéos, que vous devez bien acheter aussi, ainsi que le temps de travail du bibliothécaire passé à “faire du relationnel”, qui se paye.

    Enfin, je ne vois pas ce qu’il y a de mal à la pensée “verticale” : classer, légitimer, c’est avoir des valeurs, non?

  7. L’écureuil va très bien et te salue. Il est content que ce soit le printemps et qu’il puisse bientôt abandonner sa Wii (Nintendo Nutmad Squirrel 2.0) pour aller gambader dans les prés et bouffer toutes les noisettes de sa réserve.
    Quant à moi, je suis désolé d’écrire de telles tartines mais décidément, je ne comprends pas. Tu n’es pas obligé de tout lire, je te rassure.

    1/ Très bien mais dans ce cas, il va falloir m’expliquer ce que tu considères être une BU et quelles sont ses missions. Donc, selon toi, une BU a vocation à proposer des activités (foot, jeux vidéos) et surtout à dispenser des cours pratiques (origami…) et théoriques (histoire du jeu vidéo…) n’ayant rien à voir avec la documentation et les bibliothèques. C’est intéressant.

    Dans ce cas, il va falloir m’expliquer avec quelle légitimité vis-à-vis des étudiants (mais peut-être me placé-je encore bien trop dans la verticalité à penser qu’il faille connaître un sujet pour en parler) et surtout vis-à-vis de l’université (jusqu’à maintenant, je croyais bêtement que c’était là que se passaient les cours et que ceux qui les donnaient avaient été choisis en conséquence). Donc, si j’ai bien compris, vous proposez des cours sur l’histoire du jeu vidéo et non sur l’origami, la manière de changer une durit, la linguistique grecque ou la géométrie non-euclidienne parce qu’il en est ainsi et c’est tout. Accessoirement parce que ça vous fait plaisir de parler de jeux vidéos (quand un conservateur passionné d’aquariophilie arrivera au SCD, les élèves se verront proposer quatre séances d’une heure sur le guppy, je suppose). Pour toi, il semble donc que les bibliothèques n’aient d’autres limites à leurs missions que celles qu’elles s’assignent et qu’il n’existe même pas de priorité entre ces missions (ce serait bien trop vertical).

    Dans des cas comme celui-ci, on peut normalement pousser la logique jusqu’au bout pour montrer le ridicule de la situation. Prendre des exemples un peu drôles ou décalés pour montrer son absurdité. Là, vous avez tout prévu : afin d’éviter toute tentative de parodie burlesque, vous avez décidé de donner dans le loufoque par vous-mêmes en annonçant fièrement qu’il n’y a pas de limite aux prérogatives de la bibliothèque, que tout ce qui existe dans le monde y a sa place et que toute activité extérieure doit pouvoir y prendre place. Annoncer de manière abrupte qu’une BU a vocation à concurrencer Meetic dans l’organisation de rencontres amoureuses et pleinement l’assumer, il fallait oser. Vous avez le mérite de l’originalité.

    Que quelqu’un aime jouer à la Wii et draguer les filles, je n’y vois aucun inconvénient. La question est de savoir si le rôle d’une bibliothèque est de former les gens à jouer à la Wii et à draguer les filles. Si les gens doivent payer des impôts pour que l’on puisse former les étudiants à jouer à la Wii et à draguer les filles et si des conservateurs doivent faire 5 ou 8 ans d’études pour former des étudiants à jouer à la Wii et à draguer les filles.
    Il me semble qu’un conservateur a tout de même des missions, fixées par des textes réglementaires. J’y lis que les conservateurs « organisent l’accès du public aux collections et la diffusion des documents à des fins de recherche, d’information ou de culture », qu’ils « peuvent participer à la formation des professionnels et du public dans les domaines des bibliothèques et de la documentation » mais aucune mission d’animation pure. Il n’est pas prévu qu’il doive transformer ses lecteurs en communauté où tout le monde est pote, qu’il doive permettre l’accès des défavorisés (ou pas) au jeu vidéo ni favoriser les « rencontres sympas ». Caramba, encore un ministère vertical.

    2/ Que l’argument financier ne tienne pas, j’en prends note et je t’enverrai le prochain bibliothécaire qui me répond « on ne peut pas tout acheter » quand je lui demande un bouquin dont j’ai besoin. Si ce n’est pas par manque d’argent, reste à savoir pourquoi les BU françaises possèdent dans l’ensemble des collections aussi pauvres.

    3/ Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question de la formation au versant relationnel. Tout juste un peu sceptique*.

    Pour qui sommes-nous dans les bibliothèques universitaires ? Il me semble que c’est pour des étudiants et pour des profs, non en tant que personnes mais bien en tant qu’étudiants et que profs et que cela implique des besoins spécifiques. Qu’en tant que personne, ils soient contents de trouver une BD pour faire une pose (ou pour étudier la BD, d’ailleurs, c’est également une œuvre en soi), c’est bien évident mais c’est bien pour cela que les missions doivent être définies, sans se laisser aller à une pure politique de la demande. Sinon, ouvre un supermarché au milieu de la BU : les étudiants seront bien content d’acheter une pizza sur place avant de rentrer chez eux le soir.

    Au-delà, la question n’est donc pas seulement pour qui sommes-nous mais aussi pour quoi sommes-nous dans les bibliothèques. Pour jouer à la console avec les lecteurs ou pour les aider à réussir leurs études et en faire des hommes et des citoyens ? Pour les intégrer dans le monde de l’infotainment ou les aider à acquérir une culture, un regarde critique, du recul sur les enthousiasmes et le culte de la technologie et de l’actualité ? Tu m’excuseras, mais à une époque où un étudiant sur deux loupe sa licence, je doute que ce soit prendre soin de lui que de lui faire croire que la priorité en BU est de jouer à la Wii.

    Peut-être même est-ce là que se trouve le véritable mépris. Comprenons la logique qui est derrière : moi, conservateur, j’ai un boulot intéressant et sûr, je possède la culture légitime qui me permet de m’intégrer dans la société et même de la critiquer, je suis capable de prendre des éléments ici et là sans problème, de jouer à la Wii tout en sachant faire autre chose. Pas de problème non plus pour les élèves qui viennent de milieu favorisé : eux aussi joueront à la Wii mais possèdent l’arrière-plan culturel et familial capable de les porter et de les faire réussir. En revanche, le système scolaire abandonne ceux qui avaient besoin de lui. A ceux qui ont besoin de bibliothèques, à ceux dont l’université est le seul soutien pour réussir, vous mentez en prétendant que les études ne sont pas si importantes et que l’essentiel est quand même que nous soyons tous ensembles une bonne bande de potes. L’ennui, c’est que certains vont te croire. Précisément, ceux qui avaient besoin de toi.

    4/ Faire savoir ce que l’on fait de bien n’a rien de honteux, en effet. C’est même important. Le problème est quand l’acte même de communiquer prend le pas sur ce que l’on dit. En cette occasion, on s’en fout de la Wii, ce n’est pas très important : vous avez fait ça pour faire réagir les gens, c’est bien.

    En revanche, il perce par derrière une pensée de la BU un peu inquiétante, tentant de jouer sur les modes, de se glisser dans tout interstice pour se faire voir et reconnaître, au risque même de se renier soi-même et de perdre ceux qu’elles servaient jusqu’à maintenant. Ce qui ressort de tout cela, c’est que dans quelques années, quand les gens ne viendront plus en BU parce qu’ils auront tous les renseignements dont ils ont besoin en ligne, vous vendrez des harengs pour éviter aux gens de se déplacer pour faire leurs courses en sortant de la fac et vous vous féliciterez en criant sur tous les blogs la victoire de la BU, qui aura réussi à se renouveler pour attirer des nouveaux publics. N’empêche que vous serez devenus des vendeurs de harengs.

    Diagonalement, (oui, j’ai fait des progrès, je m’incline légèrement…)

    RM

    * Tu as déjà parlé avec des gens qui ont eu ce type de cours en école de commerce ? Je peux te dire que la formation de l’Enssib passe pour du pain béni à côté de cela et les conservateurs pour des enfants de chœur à côté des critiques que l’on peut entendre (dans des petites ESC mais aussi dans des Parisiennes).

  8. Des concours (voire des cours) de Wii en bibliothèque ? Ma foi, si vous en avez le temps pourquoi pas. Au delà de l’aspect alléchant de cette initiative (je suis moi-même un heureux possesseur de la bête, même si je passe plus de temps sur la DS) et même après lecture de l’argumentaire dédié j’ai toujours autant de mal à comprendre en quoi une bibliothèque universitaire aurait vocation à accueillir une console de jeux. Et mes années d’étudiant étant encore fraiches, je pense que j’aurais eu la même pensée en tant qu’usager. Quand je vais chez le boucher c’est avant tout pour la qualité de sa viande, non pour jouer au golf…

  9. Allez, je vais m’autociter au risque de paraitre imbu mais ce que j’avais écrit il y a quelques temps sur mon site rejoint notre débat ici.

    Je résume ici mon billet, l’original se trouve sur http://www.jvbib.com/blog/index.php/gaming-in-libraries-pourquoi-le-jeu-video-en-bibliotheque/

    —————–
    Pourquoi le jeu vidéo en bibliothèque?

    (NON AU) JV COMME “PRODUIT D’APPEL”

    Je ne suis ni convaincu, ni très intéressé par cette approche.

    Je serais plus intéressé par une démarche qui consisterait à acquérir des jeux vidéo pour le jeu vidéo lui-même, à constituer une collection représentative de son évolution, à même d’en retracer l’histoire. Cette collection pourrait très bien être valorisée par l’organisation de tournois, ce n’est pas ce qui me gêne dans l’exemple cité ci-dessus. Non, ce qui ne me convainc pas c’est vraiment de constituer une collection ou d’organiser un événement dans le but d’en faire un “produit d’appel” vers la bibliothèque, ou vers la lecture… C’est le même raisonnement qui nous pousse(rait) à acheter plusieurs exemplaires du dernier best-seller sur lequel on porte un jugement de valeur négatif en proclamant que ça fera venir de nouveaux lecteurs qui ensuite iront emprunter Shakespeare , – insérez ici votre propre référence culturelle hautement légitime et incontestable – ou Euripide. 1-C’est à prouver. 2-Interrogeons-nous au moins sur les raisons qui font qu’on juge meilleur de lire Euripide que Tartempion et soyons au moins capables de les formuler avant de prétendre éduquer les lecteurs.

    (NON AU) JV COMME SUPPORT (MÉTHODE?) D’APPRENTISSAGE

    Une autre approche qui retient peu mon intérêt est d’acquérir et proposer au public des jeux vidéo pour leurs mille et une vertus dans l’aide à l’apprentissage. Le titre complet de notre symposium était d’ailleurs Gaming, learning and libraries, cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille… Bref, comme l’affirme ce site, par exemple : “Les jeux apprennent à résoudre des problèmes complexes et l’apprentissage à plusieurs (”collaboratif”)”

    Là encore c’est à prouver et j’ai tendance à y voir plus un argument de vente des éditeurs destiné aux parents achetant des jeux pour leurs enfants que comme une bonne raison (un alibi?) pour une bibliothèque d’intégrer des jeux vidéo à ses collections.

    LE JV POUR LUI-MÊME !

    Pour résumer, voici mon credo : le jeu vidéo en bibliothèque, oui, mais *pour lui-même*. Intéressons-nous au jeu, à son histoire, à la formidable diversité de machines l’ayant déjà porté… C’est un support jeune, parfois maladroit et bredouillant, ne nous laissons pas aveugler par le caractère souvent fortement industriel de son édition, il porte en lui de merveilleuses possibilités narratives et artistiques qui, j’en suis certain, sont encore à venir.

    ——–

    Voilà mon billet d’origine.
    Et en bonus une spéciale mise à jour “wii d’angers” :

    Même si je salue l’esprit d’expérimentation et le fait de s’autoriser à tester des idées au sein de sa bibliothèque, c’est vrai que je ne vois pas trop le rapport entre la gestion des retards et un concours de wii.

    On aurait très bien pu remplacer la wii par une épreuve de tir à la corde ou du plus gros mangeur de saucisses. Ce qui me fait penser que notre sujet là n’est pas le jeu vidéo , ni le jeu vidéo en bibliothèque. Les collègues d’Angers veulent tester de nouvelles idées, et faire de la comm’ inhabituelle pour les bibliothèques. Et il se trouve qu’il y a une wii dans l’histoire , à savoir le dernier objet branché familial et populaire à la mode. On aurait le même “débat” si au lieu d’utiliser des douchettes , la BU d’Angers s’était mise à utiliser des PSP (non elles ne font pas douchettes c’est pour l’exemple).

    Bon bref, cette utilisation de la wii n’est qu’anecdotique au regard de ce que pourrait être un vrai questionnement sur la place du jeu vidéo en bibliothèque.

    Mais le débat sur qu’est ce que les bibliothèques peuvent s’autoriser en terme de comm ou de services annexes est intéressant ! (des garderies, des vestiaires et des cafés dans les bibs?)

    Laurent/JvBib

  10. “[…] Ce dispositif , qui fait écho au récent poste de Nicomo, est en test jusqu’à fin mars. […]”

    … eh ben on y est, fin mars. Alors, ça donne quoi, au niveau du bilan ? Et quels étaient vos critères de satisfaction (ou d’insatisfaction) ?

    Merci

  11. “Quand je vais chez le boucher c’est avant tout pour la qualité de sa viande, non pour jouer au golf…”
    Ben oui mais si je vais à la bibliothèque et qu’on me propose de tester la wii, je ne dis pas non, ma foi… Parce que la viande, je connais, mais la wii, pas encore…
    Par ailleurs je pense qu’à l’instar de ce qui se fait sur la Nintendo DS (Entraînement cérébral de Kawashima etc), on pourrait voir émerger des contenus pédagogiques sur ce type d’outils, et là je dis why not : acheter un bouquin de mécanique pour apprendre à changer les bougies de ma 205, tu rêves, par contre tester le truc en grandeur nature sur la wii de la bibliothèque, je signe tout de suite. (Bon en fait c’était pas une bougie, mais un truc d’allumage électronique)

  12. @Rm et Discoblogons : la Wii ou le reste ne sont pas exclusif du boulot traditionnel de doc…. Bon sang, l’on peut avoir et des accès à plein de docs, et une Wii, et que sais-je encore… Pourquoi est-ce que vous réfléchissez seulement en mode exclusif ?? Il n’est pas question de laisser tomber nos missions premières, mais de les élargir… Et nous avons le temps, et les moyens, quoi que l’on puisse prétendre…
    @marlene : bon tu demandes ta mut pour Angers ??
    @Laurent : “cette utilisation de la wii n’est qu’anecdotique au regard de ce que pourrait être un vrai questionnement sur la place du jeu vidéo en bibliothèque” : mille fois Oui !

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