Le kilo de flux frais est cher de nos jours (1)

closeUne année au moins est passée depuis la publication de ce billet qui peut donc contenir des informations un peu datées.

Suite à une discussion WTB (With The Boss), nous avons remarqué que pas mal des revues papier/en ligne que nous payons fort assez plutôt cher proposent, à un moment ou à un autre, un accès gratuit à leurs numéros passés. Autrement dit, nous payons fort assez plutôt cher la pointe du flux, les dernières nouveautés. Si l’on ajoute à cela le phénomène des Archives Ouvertes, et les modes d’échanges de pré-prints dans certains domaines de recherche, se posent alors les questions suivantes :

  1. nos usagers ont-ils réellement tous besoin d’une information d’absolue fraîcheur ?
  2. ont-ils d’ailleurs la capacité d’absorber les toutes dernières publications dès leur sortie des “presses” ?
  3. n’ont-ils pas en général déjà lu ce qui paraît avant sa parution (la publication dans une revue n’apportant plus qu’une validation scientifique à un papier déjà connu de ceux qui ont à le connaître ; et participant à la sédimentation de la recherche) ?

Les réponses pourraient être :

  1. ça dépend des domaines, des labos, des usagers, mais globalement, dans le cas d’une université moyenne comme celle que nous servons (ce n’est pas un jugement de valeur évidemment, mais un constat quantitatif), la réponse semble être plutôt non…
  2. là encore, ça dépend, mais l’humain a ses limites… Donc la réponse semble être plutôt non également…
  3. les chercheurs les plus pointus, sans doute… Pour les autres, ils sont dans une temporalité différente, ils ont le temps…

Certes, il y a des exceptions, des domaines hyper-dynamiques, des labos hyper-pointus, des chercheurs qui sont des princes dans leur domaine, des surhommes qui lisent des milliers de pages à l’heure… Mais globalement, nos usagers n’ont peut-être pas besoin d’une information hyper up-to-date qui sera par ailleurs plus ou moins rapidement disponible gratuitement en ligne, sous une forme ou une autre.
Du coup, l’on se dit que la pointe du flux vaut son pesant d’or… Et que peut-être, elle ne sert pas à grand monde… Et qu’aussi, peut-être, l’on pourrait se pencher sur cette question, et s’apercevoir que l’on peut se passer économiser des ressources payantes tout en gardant une qualité de service équivalente par :

  1. une mise en avant des ressources gratuites et AO
  2. une utilisation plus systématique du PEB pour ceux qui, vraiment, ont besoin du tout dernier papier

les crédits ainsi libérés partant par exemple vers le pédagogique…
Bon, tout cela demande à être étudié de près, pesé, soupesé. Et puis j’avoue qu’avec mon CDVA et mon CAQME (Cher Adjoint Qui Me Supporte) Nicolas A., nous avons eu comme un vertige existentiel en discutant de cette question.

Mais tout de même, peut-être qu’il faut se pencher vraiment sur le problème au lieu de continuer à acheter des ressources électroniques et/ou papier parce que nous croyons qu’il faut le faire, sans jamais nous demander :

  • à quoi servent réellement ces ressources que nous payons et mettons à disposition,
  • et si nous ne pourrions pas faire mieux ou pareil, pour moins cher.

0 thoughts on “Le kilo de flux frais est cher de nos jours (1)

  1. Coïncidence !
    J’ai rencontré dans la rue ce matin un collègue de la bibliothèque de médecine qui m’a annoncé avoir reçu déjà de nombreux retours positifs suite à une extension de notre licence à la revue “Science”. Nous venons de souscrire, après avoir résisté durant 7 mois, à “Science Express” qui propose en ligne les articles pas encore publiés mais déjà acceptés.
    Mais nous sommes là dans l’ordre du subjectif, je l’accorde. Objectivement, je ne suis pas sûr en effet que cela a un impact sur la qualité de la recherche et de l’enseignement de notre institution.

  2. Tout dépend du domaine, mais ce raisonnement est essentiellement économique. Pour accéder aux ressources gratuites, les chercheurs savent faire, la valeur ajoutée apportée par les SCD est justement de fournir la frange d’information la plus récente. Que ce soit à un coût prohibitif est, à mon sens, un autre débat (cf http://www.nicolasmorin.com/blog/?p=373).
    Pour ce qui est de relancer le PEB, on sort d’une période où le PEB était le principal service offert par les SCD (à Nancy Med on faisait 20.000 demandes par an), et je suis persuadé que les utilisateurs veulent l’information en un clic, leur proposer du PEB même en ligne, n’est qu’un pis aller. Si on regarde d’un peu plus près les stats d’utilisation des revues électroniques, elles progressent régulièrement pour les années les plus récentes. Comme je le souligne en commentaire du post de Nicolas, le pb ce sont les coûts pratiqués par les éditeurs, surévaluation maximale du service offert !! Cette tentative de contournement du modèle actuel est louable, mais je pense qu’il est préférable d’affronter le vrai pb que sont les pratiques des éditeurs, car le service lui est parfait, non ?

  3. @Jean-Blaise : oui, nous sommes bien dans le domaine du subjecitf (mon post y compris…) : où sont les chiffres précis d’usage réels ? Je trouve que nous sommes encore souvent dans le flou, à tous les niveaux…

    @ jhoupier : je ne suis pas certain que les chercheur sachent où trouver le gratuit, justement… Le PEB peut être aussi du Pay per View… L’idée finalement, c’est peut-être de cesser d’acheter cher des choses chères pas utilisées, et de diversifier le service en fonction des besoins réels. En gros, de passer d’un arrosage massif et indifférencié à un micro-arrosage précis…
    Pour ce qui est des éditeurs, ils ont bien raison de se goinfrer puisque nous (les SCD) ne mettons rien en place (AO par exemple) pour les contrer…

  4. “Ca dépend”. Le flou à tous les niveaux, c’était un peu déjà le problème du billet. Dans la phrase “nous payons fort assez plutôt cher […] à un moment ou à un autre, un accès gratuit à leurs numéros passés”, il manque particulièrement l’étude du “quand” et “à quel prix” (fort, assez, plutôt, non, très cher). Je reprends les points qui sont autant de pistes de réflexion, mais qui me semblent un peu inachevés.
    Point 1 : Si on se dit qu’une université moyenne n’a pas besoin d’information de dernière fraicheur, alors autant fermer 75 % des universités provinciales françaises (je ne suis du reste pas forcément contre) : c’est une question d’objectifs en terme de qualification professionnelle et de recherche. Comment éduquer un étudiant de L ou M à faire de la recherche si le message implicite c’est que la recherche d’avant-hier fera bien l’affaire ? On ne parle même plus du D. Il ne faut pas oublier qu’on cherche, à la demande des lecteurs, à raccourcir le délai de mise à disposition des nouvelles acquisitions. Doit-il en être autrement pour la documentation électronique. Est-ce que, finalement, “digital” serait tout de même “different” ?
    Point 2 : la documentation électronique, par la recherche plein texte permet précisément de ne pas être submergé. Une recherche dans JStor et les articles pertinents sortent, pas besoin de dépouiller des index annuels ou de lire huit mille tables des matières. C’est en raison des limites humaines que l’avantage de la documentation électronique est si grand.
    Point 3 : Si on se fonde sur l’idée que les chercheurs ont accès au pré-prints parce qu’ils sont dans le milieu de la recherche, autant fermer tout de suite les bibliothèques. Encore une fois : à qui s’adresse-t-on ? Croit-on qu’un thésard reçoive les pré-prints des collègues éloignés d’un directeur souvent extrêmement distant ? Quel rapport entre les collections en ligne et les collections papier (sur place ou en PEB) ? Le coût du PEB est souvent imposé partiellement à l’usager, alors que le coût des ressources électroniques est invisible pour l’utilisateur ; voilà aussi une grande différence. Quand on parle de PEB gratuit aux collègues, la plupart se récrient (expérience faite à Aix-en-Provence et avec un groupe d’enssibien ;| ), alors que personne ne demande aux usagers de payer leur communication via ordinateur de ressources distantes. Si “digital is not different”, inspirons-nous du numérique pour rendre le PEB gratuit, favorisons le “pay per view” et, surtout, appliquons nos missions : continuons de travailler à donner la meilleure information, la plus pertinente, répondant au besoin, et à jour.

  5. Bonjour Dominique. Tes interventions sont toujours aussi carrées 😉
    Oui, la réflexion est inachevée, car le billet voulait lancer le débat. Tu montres que c’est chose faite ! Tes réflexions viennent abonder le pot commun. Pour rester un peu dans la provocation :
    Point 1 : Inutile de fermer les universités 😉 Juste, peut-être peut-on se demander si tous les niveaux dans tous les domaines de recherche ont besoin d’une absolue fraîcheur (je persiste). Pour l’éducation à la recherche, je ne suis pas certain que des tonnes de documentation soient nécessaires. Il faudrait déjà que nos étudiants apprennent vraiment à se servir des outils. Or, quand je me souviens de la très relative aisance que des professionnels de l’information pouvaient avoir avec les ressources électroniques (et je fais aprtie du lot), je me dis qu’il reste du travail, vraiment…
    Point 2 :Certes. Mais les ressources électroniques multiplient les sources possibles. Et les possibilités de s’y perdre. Si l’on ne sait pas chercher (cf. ma réponse au point 1)
    Point 3 : Oui…. Fermons tout 🙂 Le PEB dans mon idée était gratuit puisque l’on économise sur les ressources électroniques. Oui aussi au Pay per view peut-être. Qui testera une restriction drastique de ses abonnements online et un recours plus systématique et plus efficace au PEB pour voir ce que cela donne ?…. (Est-ce que mon CDVA lit ça ?…)

    Pour terminer, je suis entièrement d’accord avec ta dernière ligne, surtout pour cette partie : “la plus pertinente”… J’ai peur que nous arrosions trop large, vraiment. Enfin, merci de cette intervention roborative !

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